"Les actes de barbarie au Congo"

LA TRIBUNE CONGOLAISE N° 5 DU 2 AVRIL 1903  (E. Janssens - octobre 2005)

Rubrique "Journaux et Revues"


Les actes de barbarie au Congo

Le Don Marzio de Naples publie une lettre de M. le Baron de Giacomo de Nisco, juge au Tribunal d'Appel de Boma, lettre qui prouve combien l'Etat Indépendant a souci de punir avec sévérité les actes de cruauté.

"S'il est vrai" écrit M. le Baron de Nisco, "que des actes de barbarie se produisent, et sont même commis et tolérés par des agents de l'Etat, il est également vrai, d'autre part, que le Gouvernement local est loin de les encourager ou de les tolérer, les poursuit et les punit avec la dernière sévérité.

La calomnie et la mauvaise foi font apparaître de tels faits comme l'œuvre de l'Etat, alors qu'il ne sont que des effractions particulières.

Dans les prisons de Boma, les Européens de diverses nationalités sont nombreux (pas d'Italiens heureusement), condamnés à des peines très sévères, plusieurs même à vie, pour mauvais traitement envers les indigènes.  De hauts fonctionnaires de l'Etat ont été traduits en justice et condamnés pour de simples coups; il y a peu de mois, un magistrat, officier du Ministère public, a été révoqué et mis en jugement pour avoir par erreur mis à exécution une sentence à charge d'un indigène, avant que le délai d'appel soit passé; et une des dernières sentences signée par moi en janvier dernier, avant mon retour en congé, condamnait en dernière instance, à perpétuité un Belge, employé de l'Etat, pour barbarie commise contre les indigènes.   Et les peines prononcées par les Tribunaux s'exécutent rigoureusement.  Une circulaire, déjà ancienne, du Gouverneur déclare que les condamnés pour violences contre les indigènes, n'ont rien à espérer de la clémence royale.  Et, en effet, depuis plusieurs années, je ne me rappelle pas que le Roi ait signé la grâce pour de tels faits, malgré les demandes réitérées et instantes. Je ne crois pas qu'il y ait une seule législation qui protège l'élément indigène autant que la législation congolaise.  Aucune différence de droit n'existe en matière pénale entre les Blancs et les Noirs.  Le même code régit et punit les uns et les autres, les mêmes tribunaux les jugent et si un reproche peut être fait à la magistrature, c'est celui de se montrer trop sévère pour les Blancs et trop indulgente pour les indigènes.

Le seul fait d'avoir constitué un Tribunal supérieur d'appel avec des juges de nationalités diverses, d'avoir nommé,  comme juges et officiers du Ministère public près les Tribunaux de 1ère Instance à l'intérieur du pays, des magistrats et avocats étrangers (spécialement italiens), est une preuve et une garantie plus qu'évidentes du sérieux et de l'impartialité de l'administration judiciaire de l'Etat.  D'autre part, il y a dans l'Etat des représentants officiels de toutes les nations, dont quelques unes jalouses et rivales, qui ne manqueraient pas de faire apparaître leur voix dans le cas où le Gouvernement faillirait à ses devoirs.

L'Etat Indépendant du Congo, par son organisation simple, logique et puissante, par sa prospérité toujours croissante, par l'ordre et  l'activité qui règnent partout, peut être, et a été pris, comme modèle des états coloniaux et a excité l'admiration de tous ceux, amis ou adversaires, qui l'ont visité et étudié.

Il forme le centre le plus actif et le plus efficace de la civilisation au cœur de l'Afrique qui, il y a peu d'années, était encore inconnu et que Stanley appela "l'Afrique des Ténèbres". Il faut donc que notre pays (Italie, ndlr)  ne se laisse pas fourvoyer par des calomnies intéressées et qu'au contraire, il tourne son attention vers ces régions qui, avec une si grande hospitalité, accueillent et honorent ses enfants et qui ouvrent dans le monde un nouveau champ, très vaste et très fécond, à notre activité.