La vérité sur les événements à Albertville

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Un des médecins fut violemment pris à partie par l'officier indien qui lui reprocha que des tireurs isolés katangais ou européens étaient embusqués à la Colline C.F.L. et faisaient mouche à chaque coup, et le menaça de démolir au mortier toutes les habitations de la colline. Le docteur qui demeurait précisément à cette colline, lui faisant observer que toute la colline n'abritait que des civils terrés chez eux, et s'offrant à le guider, lui et ses soldats tout au long de la colline pour le lui prouver, l'officier refusa sa proposition.

Heureusement les Indiens ne mirent pas leur menace à exécution, seules les premières maisons, déjà évacuées par leurs occupants, étant touchées.

Les blindés onusiens, regroupés, donnèrent ensuite l'assaut à la colline État, dépourvue déjà d'une bonne partie de ses défenseurs et où les tirs n'étaient plus que sporadiques. Les Katangais placés aux abords de la clinique qui étaient restés jusque là stoïques sous les coups de plus en plus précis de mortiers de l'ONU, se replièrent, à l'exception d'un seul homme toujours à la mitrailleuse et qui répondait seul au feu nourri de l'ONU se voyant presque pris à revers, il décrocha également emportant sa mitrailleuse pour s'installer un peu plus à l'intérieur des terres, jusqu'au moment où il fut blessé.

Les cinq blindés de l'ONU, accompagnés de leur escorte de gurkhas, dont plusieurs ne portaient aucun signe distinctif propre à l'ONU et qui, en salopette kaki et coiffés de casques anglais se différenciaient fort peu des Katangais, se rendaient à la Clinique où toute résistance avait cessé. Les gurkhas y firent montre d'une sauvagerie incroyable. Ils saccagèrent et détruisirent à plaisir les précieux appareils de radiographie. La chapelle des Sœurs subit le même sort, le "Chemin de Croix" fut détruit. Deux soldats katangais, blessés, l'un au ventre, l'autre à l'épaule, avaient été hospitalisés. Les gurkhas voulurent les achever et la Sœur dont leur faire une barrière de son corps pour les empêcher de mettre leur projet à exécution.

Une pensionnaire de la Clinique eut à se défendre des entreprises d'un gurkha qui avait déjà enjambé le lit lorsque le docteur et une sœur alertés parvinrent à le mettre en fuite.

La journée du lundi se termina cependant sans que les Indiens osassent donner l'assaut au Camp Militaire katangais.

Dans la nuit de lundi à mardi cependant, les blindés onusiens investirent le Camp Militaire qui n'abritait déjà plus personne depuis plusieurs jours. Les européens de la colline C.F.L. placés aux premières loges depuis le début des événements, assistèrent alors à un duel épique entre les cinq blindés disposés en arc de cercle, et une seule mitrailleuse katangaise qui, dans une attitude inutile mais glorieuse, leur faisait héroïquement face. Les trajectoires des balles traçantes se croisaient et les antagonistes se fusillaient littéralement à 150 mètres de distance jusqu'au moment où la mitrailleuse katangaise fut réduite au silence.

Entre-temps les quelques européens bloqués dans les habitations de la Colline État, furent les témoins des exploits de la petite garde onusienne de l'hôpital situé près de l'Institut Regina Pacis.

Quelques gurkhas s'étaient placés devant la façade "arrière" de cet hôpital, surplombant le Cam Militaire katangais, munis de mitrailleuses lourdes. Le restant de l'effectif, fort d'une quarantaine d'hommes, se tenait à la façade "avant" à l'abri dans le garage attenant.

Chaque fois que leurs collègues de la façade arrière ouvraient le feu, ceux de la façade avant se précipitaient en désordre à l'intérieur de l'hôpital. Le docteur MONTOVANI, médecin italien ONU de l'hôpital, ne voyait pas sans crainte ces soudaines irruptions de soldats, baïonnettes au canon. Il parvient enfin, après plusieurs injonctions, à les convaincre de s'abriter dans une maison voisine. Chaque fois cependant que le tir reprenait, ces braves, pris de panique, franchissaient les 20 mètres qui les séparaient de l'hôpital et pénétraient dans un beau désordre. Ce qui devait arriver arriva. Lors d'une de ces paniques, un infirmier italien fut embroché par une baïonnette et un médecin reçut un coup de baïonnette sur le côté du cou. L'infirmier devait succomber à ses blessures le lundi suivant.

La matinée du mardi fut calme; seuls quelques coups de feu isolés étaient perçus au loin dans la direction du lac. Les civils commençaient cependant à souffrir de la pénurie d'eau qui faisait défaut depuis le lundi matin. Une patrouille onusienne, voulant pénétrer dans les installations de la Regifeso, avait cru bon de fracturer les serrures en tirant au travers, endommageant ainsi l'appareillage de la station.

Vers 15 heures cependant, et sans qu'un seul coup de feu ait été tiré de la colline C.F.L., celle-ci fut brusquement prise sous le feu des armes onusiennes.

Des civils partant au ravitaillement, des femmes et des enfants se rendant d'une maison à l'autre de ce quartier absolument calme depuis la veille au soir, entendirent les balles siffler à leurs oreilles. La population fut à nouveau contrainte à rester chez soi. Plusieurs maisons reçurent, par les vitres, des giclées de balles qui, miraculeusement, ne firent aucune victime.

Que d'était-il passé? Quelques soldats onusiens indiens s'étaient rendus aux abords de la morgue à l'emplacement où la veille les soldats katangais avaient abandonné armement et munitions. Ils essuyèrent le tir de leurs compatriotes restés dans le bas de la ville et, s'imaginant être attaqués de la colline d'en face (la colline C.F.L.) arrosèrent celle-ci le mieux qu'ils purent, tirant sur tout ce qui leur paraissait bouger. L'ONU prétendra par après, au mépris de tous les témoignages et des renseignements précis fournis par la trajectoire et l'impact des balles, que des francs-tireurs étaient cachés dans la colline C.F.L.

Vers 16 heures 30, l'ONU commença, dans le quartier commerçant, à procéder un peu au hasard à des arrestations arbitraires d'européens, de femmes et d'enfants en qui elle voulait à toute force voir de francs-tireurs. Madame F*** et ses deux enfants, Monsieur H*** commerçant et d'autres encore furent amenés au cantonnement de le Kakomba et gardés jusqu'au lendemain midi.

L'ONU procèdera également à l'arrestation des conseillers techniques européens préposés aux services de la Sûreté, de l'Immigration, de la Police Judiciaire ainsi que ces deux commissaires de police, embarquant simultanément femmes et enfants. Elle affirmera par après que toutes ces personnes lui avaient demandé leur évacuation, ce qui est absolument faux.

La nuit du mardi au mercredi fut calme mais dans la journée du mercredi, les arrestations arbitraires se poursuivirent, accompagnées e perquisitions, de brutalités et de pillages.

Monsieur K., substitut, ainsi que les docteur B*** et R*** de la Clinique Reine Élisabeth furent au nombre des personnes arrêtées. Le docteur B*** accusé d'avoir organisé la résistance katangaise à la clinique, fut maltraité et battu à coups de crosse. Malgré un message adressé à Genève en cachette par un poste amateur, il fut expédié sur Léopoldville.

L'ONU fit alors répandre la nouvelle ridicule qu'elle avait arrêté trois officiers belges au Camp Militaire, munis d'un poste émetteur.

Des détachements de gurkhas, commandés par un officier sikh enturbanné, gravirent la colline C.F.L., précédés de deux blindés et y opérèrent des perquisitions. Madame S*** seule à la maison avec son petit garçon de 7 ans, vit sa maison encerclée par une quinzaine de fantassins, armes braquées vers elle, et dut sortir, les mains levées. Dans une autre maison, un européen, revolver braqué sur la poitrine, dut prouver, les mains toujours en l'air, qu'il faisait bien la vaisselle. Ailleurs les soldats s'emparaient d'une liasse de papiers dactylographiés où une dame avait relaté tous les événements des dernières semaines.

Là où les habitants sont absents et là où, affolés, ils ne surveillent pas leurs "visiteurs", ceux-ci s'emparent de divers objets. Ici une montre de prix, là un poste de radio (qu'on devait retrouver peu après dans le sac d'un gurkha), là encore une paire de jumelles ou un réveille-matin.

À la colline État, les exactions de la soldatesque indienne ne furent pas moins nombreuses.

Une religieuse européenne eut un revolver braqué sur elle. Deux européens, Messieurs S*** et V***, absents de leur domicile lorsque les combats éclatèrent, voulurent s'y rendre pour se rendre compte des dégâts, alors que la maison était précisément fouillée par les gurkhas. Gênés dans leur opération, ceux-ci leur lièrent les poignets et les contraignirent à rester pendant deux heures en plain soleil. Un des européens atteint de malaria ne pouvait supporter ce régime. Un médecin italien de l'ONU, s'en rendant compte, voulut lui apporter un verre d'eau. Le docteur fut violemment pris à partie par les Indiens qui le frappèrent à coups de pied.

Ailleurs, à la Douane, au Yacht Club, au Service des Voies Navigables, les pillages se produisaient aussi, perpétrés par l'ONU. Au C.F.L., trois machines à écrire disparurent. Le Yacht Club fut dépouillé de toutes ses boissons. Dans certaines maisons privées, ils restèrent pendant plusieurs heures et demandèrent à boire. Lorsqu'on leur apportait un broc d'eau, il la refusèrent et allèrent eux-mêmes fouiller dans les frigos.

Dès le lundi, l'ONU avait ouvert les portes de la prison sous prétexte de libérer les détenus politiques. Les condamnés de droit commun et de nombreux prévenus, parmi lesquels l'assassin de trois européens, arrêté il y a quelques mois à Niemba, furent ainsi relâchés et s'empressèrent d'effectuer une petite manifestation de remerciement devant les cantonnements de l'ONU.

Le mardi, au quartier Mission, où les combats avaient cessé depuis plus de 24 heures, un automobiliste européen, Monsieur G***, reçut sans sommation aucune une rafale de mitraillette tirée par des soldats ghanéens. Il en réchappa miraculeusement quoique pare-brise, toit et coussins furent percés de balles. Les Ghanéens se rendant compte de leur erreur, vinrent s'excuser, prétextant qu'ils cherchaient un poste émetteur…

Le mercredi, près de bureaux du Centre, des soldats onusiens brandirent deux photos de Lumumba et braquant leurs fusils dans le dos des indigènes obligèrent ceux-ci à danser et à crier "Minapenda Lumumba" (Je suis pour Lumumba). Nombreux sont les soldats indiens qui connaissent le kiswahili.

Au Yacht Club, quelques indigènes s'étaient réfugiés. Les soldats onusiens leur demandèrent : "Unapenda babelges?" (Aimez-vous les Belges?). Certains répondirent par la négative mais disant que les Belges les payaient tout de même à la fin du mois, furent battus.

À la Poste, la centrale téléphonique fut saccagée par l'ONU qui s'évertua à arracher les fils.

Au quartier industriel, après les événements, un vieillard européen voulant empêcher quelques soldats onusiens de piller la maison d'un voisin absent, fut arrêté et frappé sous prétexte qu'il venait chercher des munitions (une armoire contenait en effet des munitions de chasse).

La journée du jeudi fut absolument calme. Un "cessez-le-feu" avait d'ailleurs été conclu à Élisabethville à 0 h. 00

Sous le régime de terreur instauré par l'ONU, il est cependant impossible d'évaluer les pertes avec certitudes. De nombreux civils et soldats katangais blessés se sont enfuis. Samedi encore on découvrait un cadavre de soldat katangais dans le jardin d'une villa à la colline État. Seuls 4 blessés katangais ont pu être recensés dans les divers hôpitaux.

Jeudi, quatre missionnaires européens et un abbé indigène furent interpellé devant témoins, par des soldats onusiens. Ceux-ci leur demandèrent d'ouvrir leur camionnette pour la fouiller. Un des pères s'y opposant calmement, arguant du fait que le "cessez-le-feu" é&tait entre en vigueur le matin même, reçut sauvagement un coup de crosse en pleine figure.

Il est d'ailleurs significatif de noter que, malgré le cessez-le-feu, et toutes les garanties et conférences de presse de Monsieur O'Brien, la C.F.L. qui avait repris ses activités le vendredi matin, reçut une demande de l'ONU tendant à faire transporter du charroi militaire de Kigoma à Albertville, demande à laquelle il fut évidemment répondu par la négative.

Depuis lors la vie a repris son cours mais une curieuse atmosphère plane sur la ville, ressemblant étrangement aux sinistres mois d'occupation nazie (contrôles fréquents de voitures, fouilles, mesures vexatoires…)

Épinglons encore au hasard deux petites anecdotes reflétant la mentalité des onusiens après leur victoire.

Pour éviter les pillages (!), les soldats onusiens, depuis samedi, organisent des patrouilles qui montent régulièrement la colline C.F.L. Dimanche après-midi, quelques européens, femmes et enfants, s'ébattaient au bassin de natation, situé au haut de la colline. La patrouille prit position de part et d'autre du bassin, les soldats s'agenouillèrent et braquèrent leurs armes pendant quelques minutes vers les baigneurs sidérés, puis se retirèrent avec la conscience du devoir bien accompli.

Par ailleurs, on entendit Monsieur GERKOVITCH, administrateur de l'ONU à Albertville, reprocher à un résident italien : "Vous devriez faire attention à vos femmes. Elles sont beaucoup trop franches et finiront par se faire expulser. Ce serait d'ailleurs déjà fait si elles étaient de nationalité belge!!!"

Tout ce ceci est l'expression de l'exacte vérité et je m'en voudrais d'y ajouter le moindre commentaire.

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