Premiers jours d'indépendance à Bendera

A Bendera, comme partout ailleurs, des festivités eurent lieu pour célébrer le jour de l'Indépendance, le 30 juin 1960. Ces festivités se tinrent au terrain de football, avec la montagne et la conduite forcée du barrage en toile de fond. Au programme, danses, jeux d'adresse et épreuves de force auxquels nous étions tous habitués.


Cependant, dès le lendemain, les choses allaient rapidement évoluer. Après avoir entendu le discours de Patrice Lumumba qui vilipendait l'oeuvre colonisatrice, la tension commença à monter d'un cran et les autochtones investirent petit à petit des lieux tels que le mess et les habitations qui avaient été laissées libres au fur et à mesure des départs des gens employés par CFE et Forces de l'Est, les travaux de construction du barrage étant arrivés à leur fin.


Le seul moyen de se tenir informé étant la radiophonie, les appels de détresse entendus furent de plus en plus fréquents dans les jours qui suivirent l'Indépendance: les exactions envers les blancs isolés en brousse avaient commencé dès les premiers jours. Ceux que l'on appelait les "territoriaux" chargés de l'administration et donc du respect des lois furent particulièrement visés. Il devenait de plus en plus évident qu'il fallait envisager de fuir au plus vite. Même la fuite à travers les chaînes de montagne séparant Bendera du lac Tanganyika fut envisagée. Solution irréalisable sans équipement et avec des enfants en bas âge, aussi fut-elle abandonnée.

Le 10 juillet, la plupart des épouses décidèrent de fuir Bendera par la route. Le voyage s'effectua de nuit, tous feux éteints, afin de ne pas éveiller l'attention. Les femmes conduisaient les véhicules, tandis que les maris, aux fenêtres, étaient armées de fusils. Arrivées à Albertville, au port, celles-ci embarquèrent sur un bateau pour effectuer la traversée du lac vers le Tanganyika de l'époque (la Tanzanie d'aujourd'hui) et un voyage en train jusqu'à Dar Es Salam où elles furent accueillies dans un camp de réfugiés en attendant un rapatriement par avion en Belgique. Pendant un bon mois, les épouses furent sans nouvelles de leur mari rentrés à Bendera pour leur travail.

Propos recueillis auprès de G. KOLLER et son épouse
24-09-2000