Lettre du Roi Souverain au Colonel américain Henry J. Korvalsky

Extraite du ''Mouvement géographique - 1904
UNE LETTRE DU ROI SOUVERAIN
Dactylographié par E. Janssens - Juin 2005
 

    

Le Colonel américain Henry-J. Korvalsky a présenté au Président Roosevelt, au mois d'octobre dernier, un mémoire relatif aux affaires du Congo.  

On vient de livrer à la publicité la lettre que le Roi Souverain remit, le 4 octobre, au Colonel américain, quand celui-ci quitta l'Alberta.  En voici le texte que publie le Patriote de Bruxelles.

 

 

Cher Colonel Korvalsky,

                J'ai l'avantage de vous confirmer que je vous ai donné la mission de défendre aux Etats-Unis la cause de l'Etat Indépendant du Congo, qui est actuellement en butte aux attaques d'un groupe de marchands et de missionnaires anglais.

                Vous avez, pendant votre séjour en Belgique, pu vous convaincre personnellement de la déloyauté et de la fausseté de ces attaques : le gouvernement de l'Etat Indépendant se confie à vous pour éclairer les hommes d'Etat et les hommes politiques des Etats-Unis sur les véritables motifs de cette campagne de dénigrement, pour leur démontrer l'inanité des accusations formulées et pour leur apprendre toute la vérité, notamment que depuis 25 ans l'Etat du Congo travaille avec succès à l'introduction de la civilisation et du progrès dans des territoires jadis abandonnés à la barbarie, et à l'amélioration des conditions matérielles et morales de l'existence des indigènes.

                Sous la poussée de l'indignation que les colonies anglaises ont provoquée en Belgique, s'est constituée ici une vaste association sous le titre de ''Fédération pour la défense des intérêts belges à l'Etranger'' : elle comprend des personnalités en vue de l'Armée et des cercles commerciaux et industriels.

                Les membres de cette association désirent soumettre au jugement éclairé du Président des Etats-Unis leur protestation contre les honteuses et mensongères allégations contenues dans le mémoire que M. Morel a remis à M. Roosevelt.

                A la demande de cette association qui représente l'élite de la nation belge, je vous prie de remettre au Président des Etats-Unis la lettre ci-jointe qui expose fidèlement les principes directeurs de la politique extérieure de l'Etat du Congo.  Vous voudrez bien, en remettant ce document au Président Roosevelt, lui exprimer les sentiments de haute estime que j'ai pour lui et la ferme confiance que je place dans son esprit de justice et d'impartialité.

                J'espère que M. Roosevelt prendra connaissance de cette adresse en votre présence : de cette manière, vous pourrez lui donner immédiatement toutes les explications complémentaires désirables.

                La justice de la cause que vous avez bien voulu accepter de défendre vous fournira des arguments si nombreux et si décisifs, que vous confondrez tous les ennemis de l'Etat Indépendant.

                Un simple examen de mémoire publié par la ''Congo Reform Association'' établira la mauvaise foi de ceux qui affirment que la Commission d'enquête récemment instituée par le Gouvernement du Congo ne jouit pas d'une complète liberté d'investigation et ne présente pas toutes les garanties d'impartialité.  Cette affirmation est démentie par le texte même des instructions données à cette Commission, texte qui, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par le document ci-joint, lui assure toute liberté et une complète autonomie.

                Ce seul fait, pris parmi plusieurs autres, est suffisant pour mettre les honnêtes gens en garde contre les assertions et les préventions de nos adversaires; ces assertions sont réduites à néant par les progrès économiques que l'Etat du Congo a réalisés ainsi que cela résulte d'un grand nombre de faits et que cela est démontré par l'album de reproductions photographiques prises au Congo, que je vous prie de remettre au Président Roosevelt.

                Croyez-moi, cher Colonel, sincèrement vôtre.                                           (sé)  Léopold


Et encore...
Tiré des abstracts du colloque sur la violence coloniale au Congo, une information intéressante sur le rôle joué par l'Américain Kowalski à qui s'adresse le Roi Souverain dans le texte que vous nous transmettez.
Pilippe PIRON

[1] [1]. As late as 1906, for example, while the international and Belgian commissions honed in on the atrocities visited upon Africans by the CFS’s officials, Léopold’s American subaltern Henry Kowalsky recalled the impact of popular opposition to Léopold’s schemes in his last bit of advice to the king: “Open up a strip of territory clear across the Congo State from east to west to the benefit of American capital…In this manner, you will create an American vested interest in the Congo which will render the yelping of the English agitators and the Belgian socialists futile.”:

  See New York American,  December 14, 1906.