M. MOREL en Suisse

Article de "La Tribune congolaise" n°7 du 8 avril 1909

Redactylograpié  par E. Janssens - septembre 2005


M. MOREL EN SUISSE

Nous avons dit le peu de succès remporté en Suisse par la conférence de M. Morel, qui, se sentant sans doute lâché dans son pays, où l'on commence à comprendre le rôle louche que ces soi-disant philanthropes de la "Congo Reform Association" veulent faire jouer aux Anglais, s'efforce de faire des recrues sur le continent.

M. Morel a réussi à recruter en Suisse, comme à Paris et à Bruxelles d'ailleurs, quelques personnalités peu nombreuses qu'il a su rallier, par son bluff,  à sa mauvaise cause;  mais qui suppléent à leur petit nombre par le tapage qu'elles font.

Criez fort, a dit Morel, et on croira que vous êtes beaucoup!

M. René Clarapède, l'amiral suisse de la "Congo Reform Association", y a donc été de son petit manifeste adressé au Times (naturellement) et où il déclare être convaincu qu'aucun intérêt égoïste (!) ne dicte le mouvement que ledit Morel a suscité contre le Congo belge dans le public anglais et déclare que "ce mouvement pour la défense du droit est de nature à affermir le sentiment des droits d'autrui qui constitue le rempart le plus grand pour l'intégrité des petits pays".

L'amiral Clarapède écrit cela sans rire; ou bien s'est-il payé à la fois la tête de Morel et des quelques pasteurs suisses protestants qui ont signé avec lui son factum, afin de bien démontrer sans doute que l'infâme campagne menée pour spolier un brave petit pays de la conquête qu'il doit à la haute vision  de son Roi et au dévouement de ses enfants est doublé d'un mouvement religieux, protestantisme contre catholicisme.  C'est complet !

La réponse ne s'est pas fait attendre.

Deux lettres ont été publiées dans le journal La Suisse, du 30 mars 1909.  M. Clarapède a dû les méditer et les réflexions qu'elles ont dû susciter dans son esprit n'ont pas dû être couleur de roses.

Voici, au surplus, le texte de l'un de ces deux lettres :

                                                                                                          "Genève, le 26 mars1909

Monsieur le rédacteur,


Je suis de cœur et d'âme avec les intellectuels suisses qui ont signé la lettre adressée au "Times" et reproduite dans votre numéro de ce jour.

Ne pourrait-on demander aux signataires de compléter leur lettre comme suit :
 

                                  Pitié

1°        Pour les Irlandais violemment expropriés de leur sol;

2°        Pour les Indous victimes de famines périodiques;

3°        Pour les Chinois empoisonnés par l'opiumde l'Inde;

4°        Pour les rares naturels survivants de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande;
 

                                   Pitié rétrospective :

5°        Pour les Peaux-Rouges exterminés;

6°       Pour les Boers exterminés, qui avant la déclaration de guerre, auraient demandé le recours à l'arbitrage.

7°        Pour le dernier Tasmanien dont le squelette figure au Musée de Hobart;
 

                        Pas de pitié pour les possesseurs de millions gagnés dans la traite des nègres."
 

                        (sé)      Prof. P. DE WILDE, Prof. honoraire de l'Université de Bruxelles.