Vie quotidienne

Pendant les jours de repos

Pour nos jours de repos, c'est-à-dire les samedis après-midi et les dimanches (car à part les jours de congé officiel, fêtes, etc. nous n'avons pas de congé annuel, les 6 mois en Europe en tiennent lieu), on lit, on se promène (au Lac où il y a une plage et des dunes ou sur la montagne), on se réunit le soir entre soi pour jouer au whist. Il y a aussi trois cinémas par semaine mais on attend que la petite soit un peu plus grande.

Des journaux, nous n'en avons pas, si ce n'est les quelques canards congolais, peu intéressants, qui arrivent hebdomadairement et que nous n'achetons même pas. J'ai un abonnement à Sélection qui revient moins cher qu'en Belgique. Il y a une bibliothèque publique et l'on se prête également mutuellement des livres. Quant aux journaux belges, par la voie ordinaire, ils mettent plus d'un mois, et par la voie aérienne, je crois que cela revient assez cher. Si tu voulais, tu pourrais peut-être te renseigner au "Soir" pour connaître le prix d'un abonnement semestriel ou annuel par avion?
© famille Schraûwen

Les fêtes de fin d'année

Nous avons réveillonné Noël chez des voisins, ce qui nous permettait d'aller voir de temps en temps si la petite dormait. Sois tranquille, je n'ai pas eu de cuite, mais nous sommes restés jusqu'à 4 h du matin et nous recommencions pour le Nouvel An. À la Noël, l'après-midi du dimanche, tous les enfants ont été invités au Cercle pour y voir le père Noël et Père Fouettard et recevoir des jouets.
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Maladies

Il vient de se déclarer au Katanga une épidémie de rage. Aucun cas à Albertville, mais on prend des précautions partout.
© famille Schraûwen

J'ai attrapé la "bourbouille" (de tout petits boutons sur les pores de la peau, dus à une trop grande acidité de la transpiration). C'est très fréquent ici et presque tous les nouveaux l'attrapent pendant leurs premiers jours, à force de transpirer. Enfin, au bout de quelques jours, ça disparaît.
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Un peu de météo

Mes premières impressions sont excellentes. Le climat est très supportable et même doux. On peut aisément le comparer à un de nos mois de juillet normaux, qui serait perpétuel. Il présente un seul désagrément et danger, c'est la brusque fraîcheur des nuits et surtout des matins. Ceux qui, comme moi, n'en sont pas avertis, sont désagréablement surpris par leur premier rhume quasi-inévitable ici.
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Nous avons eu notre 1ère pluie aujourd'hui. Elle a duré ¾ d'heure mais tout était trempé. Pendant qu'il pleuvait, il faisait frais, mais une heure après, sans faire plus chaud, il faisait humide et lourd (l'évaporation). Enfin, c'est facilement supportable et pas tellement différent de nos étés avec leurs grosses pluies odorantes. De toute façon, ce n'est pas encore le début de la saison des pluies. Il y a quelquefois quelques rares pluies vers la fin de la saison sèche.
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En ce qui concerne le climat, il n'est pas seulement supportable, mais il est encore décidément agréable à part évidemment 2 ou 3 heures le midi qui ne sont cependant pas encore si terribles. Au moment où je t'écris il est 4 heures, et je me suis installé avec une table et un fauteuil sur la barza. Je t'assure qu'il y fait bon.
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Les saisons

Il n'y a, à proprement parler, que deux saisons qui se partagent toute l'année en deux parties égales. Cependant entre chacune d'entre elles, il y a une période d'attente et de préparation climatérique, très courte d'ailleurs. Tout le cycle peut à peu près se décrire comme ceci :

De la mi-octobre à la fin mars : saison des pluies avec, habituellement sans que cela soit régulier, une petite interruption, ce qu'on appelle ici "la petite saison sèche" qui dure une quinzaine de jours en janvier environ. Cette petite saison sèche est le plus beau moment de l'année, paraît-il. Elle a les avantages des deus saisons, sans en avoir les inconvénients. La saison des pluies est caractérisée non pas par la continuité des pluies, mais par le fait que chaque jour à peu près, il y a une bonne drache, le plus souvent orageuse. Cela dure quelquefois dix minutes, mais quelquefois aussi 2 jours. C'est bien différent de nos pluies d'Europe car ici, il tombe en un court laps de temps plus de pluie qu'en un mois en Belgique. Ce n'est pas une image lorsqu'on parle de seaux ici, et on a souvent la respiration coupée de devoir faire 10 mètres dans la pluie. L'ennui, c'est que la terre ne boit pas assez rapidement l'eau abondante qui tombe et cela fait des cloaques. C'est ainsi que notre terrain de football est impraticable pendant la majeure partie de cette saison. Il y a bien deux pieds d'eau. Par contre, ces pluies ont aussi leur bon côté. Quelques heures avant qu'il ne pleuve, le ciel se couvre et un bon vent frais se lève. Un chandail n'est pas superflu alors, même en plein midi. Puis, lorsqu'il se met à pleuvoir, il ait souvent encore plus froid et il arrive que, quand il pleut précisément à midi, on s'enfile avec joie une soupe chaude aux haricots ou aux pois. Lorsque la pluie cesse, si le temps reste couvert, il continue à faire frais, mais si le soleil vient, comme c'est presque toujours le cas, il fait s'évaporer toute l'eau que la terre n'a pas bue, et il fait vraiment chaud alors et on se sent nerveux jusqu'à l'approche de la prochaine pluie. Je m'empresse d'ajouter que les matinées et les soirs, et à plus forte raison les nuits, sont toujours fraîches.

De la fin mars à la mi-avril : une période de transition où il pleut encore mais sans beaucoup de nuages. Le soleil brille et il pleut, ce qui échauffe et alourdit l'atmosphère.

De la mi-avril à fin septembre : la saison sèche : les pluies ont totalement disparu. Il fait très bon. La température est plus régulière et moins étouffante que pendant la saison des pluies. Mais vers la fin de la saison sèche (mois de septembre), le manque d'humidité commence à dessécher l'atmosphère, on se mouille souvent les lèvres avec la langue et l'on boit énormément, puis vient le plus mauvais moment de l'année, habituellement la première quinzaine d'octobre. Il ne pleut pas encore mais le ciel se couvre fréquemment et il fait excessivement lourd et étouffant, et ce jusqu'aux premières pluies.
Voilà donc un cycle annuel complet.
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(13/11/49) Nous entrons actuellement dans la saison des pluies et nous sommes gratifiés, chaque jour à peu près, d'un orage court mais violent. Cela rafraîchit l'atmosphère et je t'assure que, avant, pendant et après la pluie, il fait vraiment froid. La désagréable entre-saison est terminée et la brise du Lac nous est revenue plus forte que jamais. Je te certifie qu'actuellement, il fait vraiment bon ici et les gens prétendent que la saison sèche est encore meilleure. Il n'y a vraiment que les deux petites entre-saisons qui soient étouffantes.
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La visite de Saint Nicolas

Ici saint Nicolas, accompagné de Père Fouettard, sont venus à la maison, le soir du 5 décembre. Cela mérite d'être expliqué car cela valait vraiment la peine.

Deux collègues, voisins, avaient pris l'initiative de se costumer en Saint Nicolas et en Père Fouettard, et de rendre visite à tous les enfants du quartier, munis de bonbons et d'un grand livre où était consigné ce que chacun des enfants avait fait de bien et de mal. Depuis midi ce jour-là, tout le monde était en effervescence, les grands peut-être encore plus que les petits. Il faut dire aussi que pas mal de ménages avec enfants des autres quartiers étaient venus rendre visite à leurs amis du quartier Kindu. C'est ainsi que nous avions invité ce jour-là les Robijn, de vieux coloniaux, avec leur fils Popol, un diable de 8 ans, et l'ingénieur De Weerde, Chef de la Circonscription d'Albertville (le CFL est divisé en 4 circonscriptions: Stanleyville, Kindu, Kongolo et Albertville). Notre maison fut la troisième à être visitée par le saint et son dangereux acolyte. Ils étaient vraiment splendides et méconnaissables. Ils sont bien restés 20 minutes chez nous. Père Fouettard était vraiment terrifiant, long comme un jour sans pain, il s'était complètement enduit de bouchon brûlé, avait un bandeau noir sur un œil, une bosse dans le ventre, de grosses bottes, le seul œil visible semblait loucher et tourner autour de lui-même sinistrement. De plus, il tenait un fameux fouet en main, dont il se servait quelquefois pour chasser les noirs trop empressés autour des paniers à bonbons.

Popol a d'abord reçu son paquet de Saint Nicolas qui, sans avoir l'air de rien, lui a dit ses 4 vérités, citant plusieurs détails personnels vraiment troublants. Le gosse qui, le matin même, s'était moqué de Saint Nicolas, disant savoir très bien que c'était son père, s'est mis brusquement à pleurer silencieusement devant l'omniscience du grand Saint. Ce fut ensuite le tour de Liliane qui pendant tout ce préambule s'était assise sur le divan, ne cessant d'observer avidement mais du plus loin possible les deux célestes personnages. Saint Nicolas la complimenta d'abord de ne plus faire pipi dans son lit puis lui demanda si elle faisait encore pipi dans sa culotte. Elle répondit timidement "Non… non…", mais le grand Saint lui fit vite savoir qu'il connaissait toute la vérité. Il lui dit aussi qu'elle ne mangeait pas très proprement à table. Elle répondit alors avec un aplomb formidable : "Mais si, quand je reçois du fromage!". Saint Nicolas, dont les paroles étaient constamment appuyées par Père Fouettard, lui cita alors pêle-mêle qu'il était content qu'elle prenait bien sa quinine, qu'elle disait bien sa prière le soir, mais très mécontent qu'elle désobéissait à sa maman en jouant quelquefois avec des petits noirs et en mangeant des feuilles ou des fleurs.

Je dois dire qu'elle a très bien accepté tout cela, avec beaucoup de dignité et de sang-froid. Elle a été l'un des rares enfants qui ne se sont pas mis à pleurer! Elle n'était pas à son aise cependant car, dès que Saint Nicolas lâché ses deux petites mains, elle s'éloigna rapidement sans cesser de regarder les deux visiteurs. Père Fouettard remit alors à Liliane un petit chien blanc de 6 semaines, au nom de Saint Nicolas qui promit encore quelques jouets pour dans la nuit, et après que Saint Nicolas eut bu un verre de bière et Père Fouettard un petit verre de whisky sec (!!!), ils s'en furent vers d'autres enfants. C'est bien simple, dans tout le quartier, on entendant de temps en temps un chœur d'enfants : "Saint Nicolas, patron des écoliers…" précédant l'arrivée du Saint, interrompu par un silence profond, dès que l'escorte sacrée pénétrait dans l'habitation.
© famille Schraûwen

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