Boîte aux souvenirs

Publié le 13 février 2006

"L'appui-feu de Baka" (Editions De Krijger, Dorpstraat 144 – 9420 Erpe Tél (053) 80.84.49 – Fax (053) 80.84.53).

Cet ouvrage rédigé par deux connaisseurs de l’aviation raconte l’histoire des Harvard des flights d’appui-feu ayant opéré au Congo Belge durant les troubles de l’indépendance. Daniel Brackx, auteur de plusieurs ouvrages d’aéronautique belge et Jean-Pierre Sonck, auteur de plusieurs articles sur les aviations katangaise et congolaise, décrivent la dégradation croissante de la situation dans notre ex-colonie à partir de 1959. La Force Publique tenta de maintenir l’ordre en mettant en oeuvre ses troupes et son aviation et les Forces métropolitaines y participèrent avec quelques avions armés, principalement chargés d’effrayer les populations survoltées par la propagande des politiciens démagogues à l’approche de l’indépendance, notamment dans le Bas Congo et au Maniéma. La situation empira lorsque les soldats de la Force Publique et les policiers se révoltèrent contre les cadres européens en juillet 1960. Leurs exactions provoquèrent la panique parmi la population européenne et les Harvard armés furent engagés en soutien des Forces métropolitaines chargées de ramener le calme sur un territoire plus étendu que la France. La mission de ces avions armés prit fin peu après l’intervention des troupes de l’ONU.

Publié le 15 janvier 2006

Le singe

J'ai toujours été attirée par les animaux et cela depuis que j'étais toute petite et parfois ils vous laissent des souvenirs merveilleux, comme celui-ci.
A la Filtisaf, nous avions des amis, outre les Rosier, qui habitaient en oblique de chez nous, un couple de Français, les Dapsens, qui avait un chimpanzé, prénommé JACQUOT. J'avais 10 ans, nous nous entendions à la perfection; des heures de jeu en rentrant de l'école, les devoirs finis; c'était génial.
Arrive les 6 mois de congé des Dapsens, qui nous le confie pour cette période. On déménage la grande cage dans laquelle Jacquot dormait; la journée, après son bain, il était libre de courir librement dans le jardin.
Celui-ci était grand, faisant un coin, bordé de cocotiers; nous y avions des poules, des canards, une chèvre (Biquette), une tortue, un autre singe (Pinocchio). Jacquot était heureux et moi aussi.
Il comprenait tout. Pour le bain par exemple c'était dehors dans les bacs à lessive. Maman lui disait, "Jacquot, ta main droite, j'ai dit; pas la gauche"; et il tendait l'autre main, bref… Papa avait coupé un régime de bananes et l'avait pendu entre la maison et la cuisine, un espace couvert où le boy repassait, donc au dessus de la table en bois, suspendu à une poutre qui soutenait les taules.
Un après-midi, je vois Jacquot essayant de voler une banane du régime; je saute sur la table et a bout de bras, soulève le régime en rigolant; mais mon bras se fatiguant vite, je lâche le régime sans me rendre compte que Jacquot était juste dans sa trajectoire. Je le vois partir en l'air avant de retomber lourdement sur le ciment en se cognant la tête au mur. J'entends encore le bruit sourd de son crâne heurtant ce mur, mais en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Jacquot s'est relevé et, moi qui m'étais accroupie, j'ai reçu sur la joue une gifle magistrale; ses cinq doigts marqués sur la joue; lui se tenant les côtes en riant la bouche grande ouverte, un rire profond… Il avait eu sa "revanche", et moi j'étais "toute paf".
Il aimait aussi entrer dans la maison, mais Maman le surveillait. Pendant la mini sieste de Papa dans le fauteuil du salon, il entrait tout doucement, volait une cigarette du paquet de Papa, buvait un coup à son verre de bière et filait tout heureux une fois encore d'avoir fait une bonne blague...
Nous descendions aussi parfois en promenade, à la poste... Jacquot était entre Maman et moi, nous donnant sagement la main et marchant courageusement "tout un temps", après je le portais à la "congolaise" haut sur ma hanche.
Qu'est devenu Jacquot, rendu au Dapsens à leur retour de congé, nous avons été évacués sans doute est-il dans le paradis des animaux, continuant de mettre de l'ambiance là-haut.


Les fourmis

Lors de l'inauguration de la statue de Roi Albert par la Reine Elisabeth, Papa et son frère faisaient partie des "anciens combattants" et Papa était porte drapeau.
Le jour J, mon Oncle prenait Papa avec sa voiture, tandis que nous les rejoignions plus tard avec ma soeur au volant (avec elle on allait beaucoup plus vite...).
Papa était pressé, car pour lui "l'heure c'est l'heure", ce qui n'était pas le cas de mon Oncle, pour qui l'exactitude et lui faisaient deux. Papa avait traversé la pelouse pour gagner 10 secondes et, dans la voiture déjà, avait tué une ou deux fourmis rouges sans y accorder trop d'attention. La cérémonie commence, avec la fanfare, Papa très stoïque, le drapeau flottant au vent, la Reine avec un beau chapeau et toutes les autorités de la place présentes... Papa devient blême… mais ne bouge pas d'un cheveu: les fourmis rouges entre-temps étaient montées le long de ses jambes et commençaient à s'en prendre à ses ... Quel supplice !
Cela pince et, qui plus est, en tirant dessus pour s'en débarrasser, le corps se détache tandis que la tête reste accrochée dans les chairs… Bref, quel courage ! Mais Papa était resté droit… Un vrai patriote, quoi !

Anita

Publié le 1er janvier 2006

Une bonne réflexion

"Un grand pasteur de Londres , très bien connu au sein de la communauté tenait un séminaire dans le hall d' un grand hôtel à Westminster( London City).
Il avait entre ses mains un billet de £50 (Cinquante Pounds) qu’ il agitait afin que tout le monde puisse bien le voir (le billet pas le pasteur).
Il posa ensuite cette question à l'auditoire :
"Qui parmi vous aimerait recevoir ce billet rouge?"
Les mains commencèrent à se lever, alors il dit :
"Je vais donner ce billet de £50 à l'un d'entre vous mais
avant tout permettez-moi de faire quelque chose avec."
Il saisit le billet, le chiffonna avec force puis il requestionna l'assemblée :
" Voudriez- vous toujours de ce billet ?"
Pas de changement, les mains se soulevèrent.
Bon, d'accord se dit-il, que diriez-vous si je fais ceci ?
Il déposa le billet froissé sur le pavé, sauta dessus à pieds joints , l'écrasa comme un mégot de cigarette jusqu'à le recouvrir par de la poussière du plancher.
Il souleva la tête et interrogea de nouveau la foule : "Qui veut encore avoir ce billet ?"

Eh bien, les mains continuerent de se lever !

Alors mes amis dit- il , vous venez d'apprendre une formidable leçon qui se résume comme suit : « Peu importe ce que je fais avec ce billet, vous le voulez toujours parce que sa valeur n'a pas changé, il vaut toujours £50 ."
"Maintenant pensez à vous, à votre vie.
Plusieurs fois dans votre vie vous avez été ou vous serez froissé, tourmenté, rejeté, critiqué, accusé malencontreusement par les gens ( connues ou inconnues ), par des situations ou par des événements.
Vous avez eu ou vous aurez l'impression que vous ne valez plus rien mais en réalité votre valeur n'aura pas changé du tout auprès de celles et de ceux qui vous aiment vraiment !
La valeur d'un individu demeure intacte aussi longtemps que celui-ci n' a pas perdu la raison.

Toussaint Tutu ( Student at Westminster University )


Publié le 10 décembre 2005

Comment nous avons atterri à Albertville

Mon Père, Marcel Davignon et son frère ont toujours travaillés ensemble dans les mêmes usines. Si l'un partait ailleurs, l'autre suivait. Papa était de 10 ans plus âgé que oncle René, n'empêche qu'à la Belgosuisse à Termonde où ils travaillaient, Papa était surnommé "le jeune", à cause de son éternelle bonne humeur, son humour, bref, voilà que mon Oncle se trouve en contact avec un Mr. de l'Union cotonnière de Gand, et dans la discussion cette personne lui propose de partir à Albertville pour la Filtisaf...........15j. après, cette même personne revient à l'usine et demande à voir Mr. Davignon, la préposée répond "oui, mais lequel? Le jeune ou le vieux?. N'ayant pas trouvé mon oncle "Vieux" (35 ans), il dit "le jeune" et donc Papa rencontre cette personne qu'il n'avait jamais vu.
Après avoir été mis au courant de toute l'histoire, Papa lui dit " ah! c'est de mon frère que vous parlez, je m'en vais le chercher, mais si ce grand c... ne vous a pas encore donné sa réponse... Si ça avait été moi, vous l'auriez déjà...... Pourquoi, cela vous intéresserait de partir aussi? Ah! que oui alors , si j'avais 10 ans de moins.... mais vu mon âge je n'ai aucunes chance.... Si, si venez à Gand passer des tests.
Il faut dire que Papa était entré à la marine à 17 ans et était monté en grade grâce a sa persévérance et l'amour de la mer; mais lorsqu'il a rencontré Maman elle n'a pas voulu d'un mari toujours parti en mer et c'est là qu'il a pris des cours du soir pour travailler dans le textile.
Par deux fois déjà dans leur vie Papa avait eu l'occasion de partir à l'étranger, en 38 au Brésil ( mais ma soeur était bébé), en 46 à Utexléo ( mais Anita était bébé), bref cette fois il n'a rien dit à Maman, a passé tous les tests et, seulement quand il avait son contrat en poche, en rentrant un soir, il a dit à Maman "Loulou, tu peux faire les valises nous partons dans 6 mois à Albertville et René et famille partent eux dans 2 mois..........
Du coup, tous les soirs Maman faisait une neuvaine pour que tout se passe bien; elle agenouillée devant la bougie, ma soeur et moi juste derrière et Papa assis sur une chaise derrière nous deux. Lui avait droit à la chaise car il avait travaillé toute une dure journée........et tous les Saints défilaient, St. Joseph , priez pour nous , etc.....et invariablement quand on en arrivait à St. Antoine, Papa tout bas, dans notre dos rajoutait "et son cochon". Et tous les jours Maman se retournait fâchée..."Loulou" pas devant les gosses voyons !!!!!!
Et les semaines passent, reste un mois à mon oncle pour partir... il se refroidissait de jours en jours: "Oui, mais je ne veux pas crever sous les cocotiers". Ma tante elle, ne voulait pas se faire manger par les crocos. Si bien que avons échangé les dates, nous sommes partis le 4 août 55 et les autres nous ont rejoints 4 mois plus tard.
Le grand départ en DC6 , décollage de Melsbroek, 3 jours pour enfin atterrir sur la piste en terre avec notre DC3 Dakota....... quel soleil, que d'odeurs nouvelles, le bonheur.
La Filtisaf, des maisons jumelées pour les agents, toutes meublées pareilles, sauf la direction qui occupait des bungalows; la nôtre était située juste devant le terrain de foot, nous avions à nos côtés les Meert, Monique, Willy et Sonja, à côté du terrain de foot, les tennis, puis la piscine, et devant le cercle.
Seule ma soeur savait nager, le premier dimanche au bassin Papa est monté sur le plongeoir et, c'est le cas de le dire s'est lancé à l'eau dans la grande profondeur; comme un chien, il a fini par arriver au bord sans couler, j'ai été la seconde à m'en sortir.... Maman, elle a mis près d'un an, et juste le crawl , pas question de se mettre sur le dos.
Ni ma soeur, ni moi ne jouions au tennis, par contre nous faisions du patinage artistique; les roues surmontées d'un bottillon blanc à lacets étaient en bois, des roulements à billes permettaient d'incliner les roues et de tournoyer, mais voilà les petites pierres sur les terrains de tennis entraient parfois dans le roulement, et tout se bloquait. Je ne décrirai pas ici les "pelles" que nous avons prises.
Maman et ses doigts de fée nous faisait des jupes en "un cercle" comme des tutus, réversibles, en cloqué, avec des paillettes, petits noeuds de velours ou autre décoration; c'était beau.

Anita DAVIGNON

Publié le 27 novembre 2005

Une histoire de voiture.

Mon Père (Marcel Davignon) et son frère (René Davignon) travaillaient tous deux à la Filtisaf, le premier comme technicien en teinture et impression, le second, impression et dessin.
Papa, qui n'avait appris à conduire qu'à notre arrivée en Afrique, soit en 1955, était très fier de sa première voiture......une "Prefect", voiture anglaise, haute sur roues, très étroite et pneus fins; mon Oncle lui, avait une "Oldsmobile automatique".
Papa travaillait en équipe, ce qui lui permettait de finir une semaine sur trois à deux heures de l'après-midi.
Ils étaient tous les deux pêcheurs, et allaient régulièrement taquiner le tilapia au pont de la Lukuga.
Ce jour là, ils s'étaient mis d'accord; Papa partait après son boulot et mon Oncle qui devait mettre sa voiture au garage pour un entretien, klaxonnerait à 4h3O en passant; Papa le reprendrait au garage et ils continueraient leur partie de pêche jusqu'à 6h.....
Putputputput, voilà mon Oncle qui passe, Papa lui fait signe qu'il arrive, il met tout dans la voiture, et se dit "bah! pour si peu de chemin, je ne vais pas démonter ma canne", et il l'a glisse en oblique, et démarre; mais, voilà le hic....à la sortie du pont, la route en terre, bordée de profonds caniveaux, tournait... la canne a glissé, s'est prise dans le volant....hé, hop! en moins de deux papa était au fond du ravin, sur le flanc, les portières bloquées, bref...
Au même moment venait assez loin le chauffeur de la Filtisaf, ramenant des dames ayant fini leurs courses et, comme tout le monde, il connaissait bien la voiture de Papa; il le voit de loin, une fraction d'inattention, et plus de voiture, sachant qu'il n'avait pas rêvé, il a eu la sagesse de stopper la voiture et de vérifier les ravins, c'est là qu'il a retrouvé Papa essayant toujours de se dégager, il saute sur la voiture, ce brave Joseph, et dit a Papa " dit Missié, pourquoi toi vouloir aller à la plaine d'aviation par la brousse, cé pas bien du tout ça !!!!" Il a fini par sortir Papa de sa fâcheuse position, qui lui a dit de retourner prévenir son frère qu'il avait un "léger" pépin avec la voiture, qu'il vienne avec la sienne. Je vous dit pas la tête de mon Oncle lorsqu'il a vu Papa sur le bord de la route, sa canne intacte dans la main et le sourire aux lèvres... Lui voulait rentrer prévenir Maman de suite, mais Papa a décrété que la partie de pêche n'était pas terminée et qu'ils rentreraient comme d'habitude vers 6h.
On pourrait penser que là s'arrête cette histoire, que nenni, quelques années plus tard, la Filtisaf a fait des travaux en cimentant l'allée devant l'usine et en y installant un rond-point, le centre de celui-ci était un rocher où la carcasse de la veille voiture de Papa y avait été cimentée (carcasse pas très rouillée d'ailleurs), des fleurs garnissaient ce joli souvenir.
La dernière fois que je suis retournée à Albertville, c'est en voyage de noces en 1964, chercher mon chien que mes Parents, évacués pour la xième fois, n'avaient pu emmener avec eux.
Nous y sommes restés une semaine avec cinq célibataires qui gardaient l'usine en attendant que la paix revienne, que les Mulélistes partent.
Adieu, petit coin de mon enfance ai-je pensé lorsque le DC3 a pris son envol...

Anita DAVIGNON

Publié le 25 novembre 2005

Kongolo : (1) La salle de bain

         La salle de bain se trouve au bout du couloir qui dessert les chambres à coucher. Les murs sont peints d’un ton vert d’eau. La baignoire prend à peu près toute la largeur du mur du fond et est surmontée de deux petites fenêtres aux vitres dépolies. Là, sur ces fenêtres, se tient chaque soir un couple de lézards albinos. De ces lézards nocturnes, très communs sous les tropiques, gras et d’un blanc translucide, presque phosphorescents et qui ont l’air de crocodiles en réduction. Christine et Thierry s’amusent à les observer. Ils les ont baptisés Zozo et Zaza, l’un étant supposé être le garçon, l’autre, le plus gros, la fille. Et les paris sont ouverts. Zozo ira-t-il vers la droite ou vers la gauche ? Lequel des lézards attrapera cet insecte là-bas ?

 - Tu as vu ? C’est Zozo qui l’a eu, c’est mon zalbinos le plus fort, se réjouit Thierry.

 - Oui, mais tu triches, je t’ai vu lancer de l’eau sur ma Zaza.

         Ils jouent aussi à remplir des seringues. Elles remplacent les revolvers à eau. C’est un marché conclu avec le docteur : si on se laisse faire gentiment pendant la piqûre, après il retire l’aiguille et vous donne la seringue.

         Ils se servent du pommeau de douche comme d’un téléphone, comme font tous les enfants.

 - Allo ! allo ! la Belgique ? Ici Kongolo-les Bains-de-Pieds !

         Quelquefois leur mère les oublie et ils restent très longtemps dans l’eau jusqu’à ce que le bout de leurs doigts se ratatine.

         Mais, le plus souvent, quand elle estime qu’ils sont restés assez longtemps dans l’eau, elle vient les exhorter à sortir illico presto! Ou bien elle les attend avec le drap de bain, assise sur le bord de la baignoire. Elle observe ses enfants, s’inquiète de la maigreur de sa fille :

 - Regarde-moi ça, on voit toutes tes côtes! Et ces ailes de poulet que tu as dans le dos !

 - C’est vrai qu’t’es maigre ma grosse ! renchérit Thierry

         Elle inspecte leurs ongles, leurs oreilles. Elle inspecte aussi l’intérieur de leurs yeux, vérifie s’il y a du rouge à la base du globe. S’il n’y en a pas, c’est un signe d’anémie et qu’il faudra aller au dispensaire faire des séances d’ultra violet.

Elle leur frictionne la tête avec de la lotion Petrol Haan. Ils aiment ça. La couleur verte. Il faut secouer la bouteille pour mélanger. L’odeur enivrante que ça a et la sensation de fraîcheur que cela procure à cause de l’alcool.

Kilis (alias Christine LERUTH)

Publié le 25 novembre 2005.

Kongolo : (2) La poste

         Souvent, en fin de journée vers les cinq heures et demie, juste avant le coucher du soleil on se donne un but de promenade. Quelqu’un lance : Et si on allait jusqu’au dispensaire ? à la pépinière ? aux tennis ? au fleuve ? … mais le dimanche, la destination est toujours la même : c’est la poste, car le sac courrier arrive le samedi par le train de nuit ; il est trié le dimanche matin. Les gens sortent donc des parcelles, se retrouvant par petits groupes pour une ultime balade dans la fraîcheur revenue, sous un ciel qui se cuivre et leur donne un teint de miel doré. Les enfants vont devant, babillant gaiement, chantant quelquefois. Les adultes papotent, stationnent ci et là pour mieux goûter une anecdote, commenter un paysage. De temps à autre une voix plus aigue ou plus forte, un rire, éclate dans l’espace comme une bulle de savon.

Juste avant la croisée des routes vers la pépinière et la rivière Kangoï, au travers des herbes hautes, on aperçoit un bâtiment carré, la poste.

Les boîtes postales sont regroupées en casiers numérotés accessibles de l’extérieur. Chaque famille possède son cadenas, son numéro. Celui des Lamar, c’est le 27. Frères et sœurs se chamaillent pour obtenir la clef minuscule. On fait la course pour arriver le premier et plonger avec délice la main dans la petite alcôve.

Ensuite chacun exhibe son butin : une enveloppe bleue par avion, un magazine tant attendu, un petit colis, quelquefois rien.

Au retour, la nuit monte des frondaisons déjà noires. Quelques lucioles parfois traversent l’air comme des poèmes furtifs. Christine les attrape avec son frère et, dans le ciboire de leurs mains jointes, palpite un instant un peu de magie bleue.

Kilis (alias Christine LERUTH)

Publié le 24 septembre 2005.
 

Petite fille aux yeux d’ébène,
La vie est belle,
Quand elle se donne la peine
De toucher tes épaules de ses ailes.

Saint-Pierre, je crois, a oublié un bout de planète,
Du coté de chez toi.
Ta terre, celle, qu’on dit africaine,
Et qui, je ne sais pas pourquoi,
Reste à la traîne.

Les dieux sont tombés sur la tête.
Ils sont en phase critique
D’une crise amnésique
Qui touche, je ne sais pas pourquoi,
La belle Afrique.

Petite fille aux yeux d’ébène,
La vie est belle,
Quand elle se donne la peine
De toucher tes épaules de ses ailes.

Une main diabolique a jeté un sort
Sur l’Angola, le Soudan et consorts :
Quelques épidémies par ci, une guerre par là,
La famine çà et là,
La grande débâcle à tout va !

Que faites-vous sorciers et marabouts
Pour mettre fin à ce courroux ?
Où sont vos grigris, talismans, amulettes
Pour éloigner cette peste ,
Qui telle une vermine
Répand ruine et famine ?

Petite fille aux yeux d’ébène,
La vie est belle,
Quand elle se donne la peine
De toucher tes épaules de ses ailes.

Saint-Pierre, ce n’est pas sérieux,
Il faut vous remettre à l’ouvrage
Et gommer cet outrage
Avant l’ultime naufrage.

Petite fille aux yeux d’ébène,
La vie est belle,
Quand elle se donne la peine
De toucher tes épaules de ses ailes..

C.F.

 


Publié le 25 avril 2005.

1 - A propos de la visite de la Reine Elisabeth, dont je me souviens comme si cela s'était passé hier, j'en ai les souvenirs suivants : l'accueil à l'aéroport, la messe solennelle à l'église Christ-Roi, située à l'entrée de la ville et qui est en fait l'église principale, les démonstrations civiles et militaires au stade, l'inauguration du monument au Roi Albert (j'ai regardé la cérémonie du haut de la terrasse de la maison des Stavros), la visite de la Reine à l'ancien camp militaire situé un peu au-delà du village des pêcheurs, sur un promontoire où un gradé lui racontait la bataille contre les esclavagistes (j'étais à deux pas et le récit m'a passionné) et enfin, lors de son départ en bateau, j'ai accompagné mes parents et... La Reine m'a signé mon journal personnel. Assez inoubliable!

2 - En juillet 1947, une catastrophe ferroviaire eut lieu à Niemba, à 100 Km de Kalemie. Le pont sur lequel passait le train venant de Kamina s'écroulât, entraînant de nombreux wagons. Il y eut 10 européens et plusieurs dizaines de congolais tués. Ma mère y perdit un frère et une belle-soeur.Sur les 10 européens qui périrent il y avait 4 personnes destinées à venir travailler à la FILTISAF. On incrimina le chauffeur de la locomotive mais, en réalité, une analyse plus objective fit apparaître que la tracé ferroviaire était dangereux à cet endroit et n'avait pas été agrée officiellement.

José DE BAETS

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