Léopold II - Fondateur d'Empire

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L'avocat Bigwood fut ensuite invité à prendre place dans le ''box'' pour qu'il lui fût posé quelques questions de procédure.  Et enfin, l'offensé lui-même eut à répondre à un petit questionnaire.

Burrows, qui était présent au cours de mon premier interrogatoire du matin, ne reparut plus l'après-midi et jugea prudent de ne plus reparaître du tout.

Quand, le lendemain, jour glorieux de la défaite complète de nos adversaires, le juge demanda Burrows dans le ''box, il ne se présenta pas et ses avocats durent avouer qu'il faisait défaut, tentant à nouveau de faire suspendre les débats.  Mais il ne s'agissait déjà plus pour les défendeurs que de 2 choses : conserver le droit de publier le livre et faire réduire les dommages, car ils avaient renoncé non seulement à prouver le bien fondé de leur accusations contre les officiers belges, mais ils reconnaissaient formellement que ces accusations étaient fausses.

Bref, Burrows fut condamné à 500 £ de dommages-intérêts et le livre fut définitivement interdit.


Restaient les autres procès, Sir Edouard me pria de m'en rapporter à lui quant à la défense de l'honneur des officiers;  si je consentais à admettre dans les autres cas introduits, une condamnation de 50 £ dans chacun d'eux, il pourrait en finir tout de suite.  J'acquiesçai naturellement.


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et le soir vers 16h, les grands quotidiens annonçaient la nouvelle et portaient en manchette apparente : ''Le capitaine Burrows condamné à de gros dommages''.

Le Roi se trouvant à Wiesbaden,  fut prévenu et répondit   ''28 mars 1904.  Heureux de votre télégramme.  Vous remercie chaleureusement de tous vos efforts pour mettre en lumière la vérité.  Léopold''

A partir de ce moment, il se produisit un arrêt dans les accusations qui, à l'occasion, reprirent leur caractère vague et général.  Il faudra arriver à une nouvelle précision dont le misérable Casement se fit l'écho, pour obtenir de nouveau justice……  

C'est lui qui accusa les Belges d'être des coupeurs de mains.  Appelé par un missionnaire établi dans la Lulonga, il se rendit en 1904 dans cette rivière et en revint bientôt, proclamant que cette fois il apportait la preuve irrécusable de la cruauté des Belges; il avait vu un jeune garçon dont la main avait été coupée par un soldat noir au service des Belges.  Il cita le nom de l'enfant et, appuyé par son compère Morel, …mena une campagne de presse ardente en Angleterre et en Allemagne aussi, sous l'égide du fameux Erzberger, et arriva à la conclusion que l'EIC devait être rayé du concert des nations, et la Colonie partagée entre les Puissances coloniales.

      Il n'est pas sans intérêt de rappeler que Morel attaqua tout aussi violemment le Congo français, ce qui jette un jour spécial sur les dessous de l'affaire d'Agadir.

      La nouvelle calomnie produisit une grande sensation en Europe, et il fallut confondre une fois de plus les calomniateurs.

      Le Roi envoya au Congo une commission pour enquêter sur la situation générale au Congo, et Il en choisit les membres parmi les magistrats de 3 nationalités : un Belge, le premier avocat général Edmond Janssen; 1 Suisse, M. Schumacker, et 1 Italien, M. Nisco.

      Le rapport fait par cette commission fut rendu public, ….. mais nous répéterons textuellement ce qu'il dit de l'accusation portée par Sir Roger Casement :

''Epondo -  c'était le nom de l'enfant cité par Casement - déclara lui-même qu'il avait perdu la main gauche à la suite d'une morsure d'un sanglier, un jour qu'il allait à la chasse avec son maître.  La commission ensuite des constatations d'un médecin, est convaincue que ce récit est sincère.  Au surplus, le Rd Weeks a déclaré que ce fait était notoire au village de Malela, dont Epondo est originaire, ainsi qu'il avait pu le constater personnellement, au cours d'une visite récente dans ce village.  Bref, la commission déclare : un point est hors de doute, jamais un blanc n'a infligé ou fait infliger, à titre de châtiment, pour manquement dans les prestations ou pour tout autre cause, pareilles mutilations  à des indigènes vivants.  Des faits de ce genre ne nous ont été signalés par aucun témoin, et malgré toutes nos investigations, nous n'en avons point découvert.

      Le mensonge est donc flagrant et le nom belge est lavé de l'infâme calomnie dont on avait tenté de le souiller.

…….

      Naturellement tous ces événements, ces attaques passionnées, retenaient l'attention de la presse, et nos rapports avec elle furent l'objet d'appréciations parfois fort injustes.


Relations de l'EIC avec la presse

       L'auteur reprend ici 3 catégories de journaux.  Les sympathisants à l'œuvre congolaise;
ceux dont la direction était indifférente mais dont certains rédacteurs étaient des partisans du Congo;  enfin, les journaux systématiquement opposés à la tentative de colonisation belge et qui, pour des raisons parfois obscures, se montraient hostiles à tous les grands projets de L.II.

etc…..

      Voici un ex. :  ''Que dire de ceux qui ne reculaient devant aucun moyen pour se documenter aux sources les plus impures, dussent-ils, pour cela, recourir aux services d'agents traîtres à leurs devoirs et, abusant de la confiance qu'avaient placée en eux leurs chefs, pour soustraire des documents au siège de l'administration?

      Un projet abandonné depuis longtemps fut enlevé du tiroir de mon bureau et publié in extenso dans un journal de la capitale qui se piquait d'être patriote.  Comme il n'avait jamais existé plus d'un exemplaire de ce projet, connu, au surplus, de moi seul, la preuve de la forfaiture était incontestable.  Cependant, ce sont des agissements de l'espèce qui émurent le plus vivement l'opinion publique.  Il était d'autant plus difficile de réagir que leurs auteurs repoussaient systématiquement toutes les raisons qu'on pouvait leur opposer.

…….  etc

      La grosse difficulté de bien régler les rapports avec la presse provenait de ce que de soi-disant journalistes, sans attaches spéciales avec un journal déterminé, épiaient les événements et cherchaient à en tirer profit.  Ces individus sans influence réelle par eux-mêmes avaient cependant le pouvoir d'envenimer les débats, de créer des impression dans certains milieux et parfois de faire passer des articles dans la presse, sous le couvert et le prestige attaché au journal qui les insérait.   etc……

      Nous possédons la preuve écrite des rapports qu'on entretenait, dans certains milieux, avec nos ennemis à l'étranger.

      C'est ainsi qu'à l'issue du procès Burrows, étant entré en possession des dossiers de nos calomniateurs, nous y découvrîmes des télégrammes et lettres émanant de la rédaction d'un journal politique de Bruxelles et adressés à Everett.  etc… etc…

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L'HISTOIRE EST UN ETERNEL RECOMMENCEMENT!!!

Encore quelques extraits du Livre de Liebrechts


''Pendant la guerre, surtout quand survint la tentative de trahison de Sir Roger Casement, certains journaux anglais déclarèrent sans ambages, et en toute loyauté, que ces gens (Casement, Morel, Erzberger) avaient agi sans scrupules pour empoisonner l'opinion anglaise au regard de l'œuvre coloniale des Belges.

     
Ajoutons qu'à l'époque de la campagne féroce menée par Morel non seulement contre le Congo belge, mais aussi contre le Congo français - et pourquoi ne le dirais-je pas, puisque je me suis engagé à dire toute la vérité, - je reçus la visite d'hommes politiques et de journalistes d'outre-Manche, qui me prouvèrent que là aussi, certaines personnalités ne dédaignaient pas de chercher à tirer profit des difficultés jetées en travers de nos initiatives africaines.

     
Heureusement qu'à la chambre de commerce de Liverpool, que présidait notre ami Sir Alfred Jones, celui-ci put faire entendre sa voix en notre faveur, et démarquer l'hypocrisie de quelques-uns des pharisiens de la civilisation africaine, qui n'avaient pas hésité, leur vie durant, à inonder la côte occidentale d'Afrique du néfaste rhum de traite!  On sait que Liverpool, sous l'égide de John Holt, était le principal centre où s'élaboraient les attaques contre l'administration congolaise.

     
Qu'on ne s'y trompe pas, avec de l'argent on peut tout au plus (car parfois, et je le sais de science sûre, les deux parties aux prises sont mises à contribution) se mettre à l'abri d'attaques injustes; mais les hommes de réelle influence, ceux qui ont sur l'opinion une action décisive, ne sont pas à acheter.  Mais, hélas!  Aux époques où les passions sont déchaînées, ce ne sont pas ces derniers qui sont les plus écoutés.


Reprise du Congo par la Belgique

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Le respect des droits des tiers préoccupait d'autant plus vivement Sa Majesté, qu'il était visible que si les politiciens qui s'acharnaient contre les grands projets d'industrialisation et de mise en valeur du Congo avaient, après la reprise du Congo par la Belgique, entrevu la possibilité de réviser ces conceptions grandioses, entachées, d'après eux, d'illégalité, ils n'auraient pas hésité à le tenter.

      Mais l'acte de reprise du Congo leur enleva en termes formels cet espoir, et détermina la nature et l'étendue des droits concédés aux Belges, mettant ainsi le gouvernement à l'abri, pour une longue période, de demandes importunes émanant d'étrangers.

      Le Roi me dispensait d'aller lui donner lecture des courriers d'Afrique, Sa Majesté consacrant tout son temps aux négociations avec la Belgique, dans le but de chercher à faire adopter les mesures qu'Elle jugeait devoir le mieux assurer le développement ultérieur de son œuvre africaine.

      Au Parlement, ce fut surtout la Fondation de la Couronne qui souleva les plus véhémentes protestations.  On prétendait que par ce moyen, le Roi pourrait continuer à exercer un pouvoir occulte.

      Celui-ci se défendit âprement contre ce reproche et fit agir toutes les influences dont Il disposait; je dus aller trouver certaines personnalités pour essayer de rallier à ses ides.  Le langage à tenir m'était tracé par une note de sa main :

      ''La Fondation de la Couronne n'appartient pas à l'Etat Indépendant du Congo.  Elle est en dehors du domaine national.  Elle n'en a jamais fait partie.  Le Souverain en a disposé dans des vues patriotiques, comme il a disposé en faveur de la Belgique de la totalité de la Souveraineté du Congo.

      L'Etat Indépendant du Congo n'a pas le droit de s'emparer, ni de disposer des biens de la Fondation : ce serait un vol, une usurpation.  Il en serait de même pour la Belgique.

      Jamais le Roi ne pourrait se prêter à une pareille illégalité, qui serait la violation des droits des tiers, un attentat contre le droit des gens.

      Jamais le Roi, auteur des droits de la Belgique, ne sera partie à une assertion ayant pour but de dire qu'il les a violés, et qu'en se réservant des biens du Congo en dehors du domaine national, il a commis une soustraction.

      Le décret instituant la Fondation est très clair, très désintéressé, très patriotique.  Il indique les devoirs de la Fondation et les règles à suivre pour les remplir''.

      Cependant, le Roi, en présence de la violence de l'opposition, dut renoncer à la Fondation.

      Ceux qui, déjà en 1901, adressèrent des critiques à l'institution dès sa naissance, étaient les même que ceux qui s'y opposèrent au moment de la reprise, mais chose curieuse, ils soutenaient cette fois ce qu'ils avaient formellement repoussé lors de la création de la F.de la Couronne.  Le Roi me fit connaître leurs étranges contradictions :

''Ils ont crié contre la Fondation de la Couronne, qui voulait sans débours, pour les contribuables, couvrir la Belgique de travaux d'embellissements.  Ils y voyaient le pouvoir personnel et occulte, une diminution du Parlement''.

''Aujourd'hui que les biens de la dotation de la Fondation vont grossir l'actif de l'Etat Indépendant du Congo, l'enfler de centaines de millions, on crie parce qu'ils ne paient plus les travaux en Belgique, nécessaires pour orner la Patrie''.

Le Roi en revient toujours à cette idée qui ne le quitte jamais : grandir et embellir la Patrie.

C'est encore cette idée qui le guidera quand il cherchera à réparer ce qu'il considère comme une injustice, en ressuscitant en quelque sorte, après la reprise, la F.de la Couronne, sous la forme de deux œuvres nouvelles : la Société des Sites et la Fondation de Niederfullbach.

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      Toutes ces ressources, le Roi aurait pu se les approprier si réellement il avait agi, non pas dans des vues hautement patriotiques, mais dans des buts d'intérêt égoïste.  Ces richesses jamais ne seraient apparues, tandis qu'au contraire, le Roi en faisait continuellement et publiquement état.

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      On sait que le rejet de la F.de la Couronne obligea à recourir à un acte additionnel au traité de cession de l'E.I.C. à la Belgique, afin d'éviter que certains travaux projetés et d'autres en voie de réalisation ne restassent en souffrance.  Pour obvier à cet inconvénient, un fonds spécial de 45.500.000 francs fut créé pour être affecté au paiement de ces travaux, avec la garantie du contrôle de la Cour des Comptes.

Travaux à Laeken                           F. 15.000.000
Travaux à la route de Meysse                6.000.000
Travaux à Heysel                                 3.500.000
Travaux à Ostende                             20.000.000
Arrangement de l'Hôtel de Belle-Vue        1.000.000         TOTAL : 45.500.000 Fr.

      Au surplus, en témoignage de gratitude, un fonds de 50 millions fut attribué au Roi, payable en quinze annuités.  Mais ce serait une grave erreur de croire, ainsi qu'on l'entendit dire souvent, que cette somme avait été donnée au Roi en compensation de sacrifices qu'il s'était imposé pour conduire son œuvre à bonne fin.

      Sa destination même s'oppose à la possibilité d'une attribution personnelle, quelque minime qu'elle soit : ''Ce fonds'' stipule l'acte additionnel, ''sera affecté" par le Roi et, pour la part qui n'aurait pas été engagée à son décès, par ses successeurs, à des destinations relatives au Congo, à des œuvres diverses en faveur du Congo, pour l'utilité et le bien-être des indigènes et pour l'avantage des blancs qui ont bien servi en Afrique.

      L'affectation est bien précise et,  en réalité, c'est le roi Albert qui eut à en régler l'emploi.

      L'actif entier de l'Etat Indépendant du Congo passa au gouvernement belge.  Parmi les valeurs immédiatement réalisables figuraient : 1° le portefeuille pour 60.000.000 F environ; 2e la flotille, l'armement, les marchandises, etc…etc., pour 50.000.000 F environ.

      L'on vit apparaître dans le portefeuille toutes les valeurs provenant des participations accordées successivement à l'Etat Indépendant du Congo par les entreprises diverses créées sous ses auspices, tandis que, pendant des années, les ennemis du Roi l'avaient injustement et méchamment accusé d'avoir réalisé ces valeurs à son profit.  Le portefeuille représente aujourd'hui des milliards.

      Cette légende que le Roi tirait de son œuvre des avantages personnels, fut celle qui égara le plus l'étranger.  Et pas un, parmi les Belges qui la répandirent, n'eut la loyauté de reconnaître son erreur.

Encore un extrait de la p.61

      A l'époque, ce que les navires amenaient à toutes les villes côtières, consistait presque uniquement en alcool de traite, logé dans de vastes fûts ou d'innombrables caissettes vertes.
      Le principal bénéficiaire de cet affreux trafic était John HOLT, de Liverpool, le promoteur de la ''Congo Reform Association'', l'homme qui, après l'échec de la campagne de calomnies poursuivie en Angleterre contre le Congo et Léopold II, remit à Morel le fameux chèque de 100.000 frs, pour reconnaître ses hautes vertus morales.

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