Makungu

Petit poste minier du Sud-Kivu

Maison d'agent de société

(Vues issues d'un film 8mm de Jean Cornu)



 

 

Ci-après, quelques vues prises par mon père tôt au matin du lundi 21 mars 1955, à l'occasion de mon départ en pension à l'institut Regina Pacis d'Albertville, à environ 140 km de Makungu. Je n'avais alors que 7 ans, et la perspective de devoir m'envoyer en pension aussi loin, pour la toute première fois, fendait le coeur de maman. Et pourtant, l'heure de la séparation était arrivée.

Makungu n'était plus qu'un petit poste en fin d'activité où la Syluma (Syndicat Minier de la Luama) avait établi son poste central et extrayait l'or tout le long du 5ème parallèle.. L'or avait été découvert dès 1927 et c'est en 1934 que deux sociétés Symor et Syluma avaient vu le jour pour son exploitation. Tandis que le domaine d'exploitation de Symor  s'étendait au nord du 5ème parallèle, en province du Kivu, celui de Syluma s'étendait au sud du 5ème parallèle, en province du Katanga. Différents lieux d'extraction étaient disséminés tout le long dudit parallèle, sur 140 km, surtout aux abords des lits de rivière. La Luama étant une rivière qui recueille à la fois les eaux de la Kyimbi et de la Mudjale. L'or était déposé en différents lieux, le long des rivières provenaient de la chaine de montagnes situées au nord d'Albertville. Il provenait donc du fractionnement des roches montagneuses. L'exploitation de l'or du 5ème parallèle cessa en 1957.
Avant la deuxième guerre mondiale, la société comptait encore plusieurs milliers de travailleurs en plus des 72 Européens. Seules quelques maisons étaient encore habitées, notamment celle qu'occupaient le directeur, monsieur Teisseyre et son épouse, ainsi que celles de l'un ou l'autre agent de la société (dont monsieur Brokal). Leur ultime tâche était de mener à bien la fin de l'activité de la société. La plupart des autres habitations étaient inoccupées et laissées à l'abandon.

Le mess de la société avait été purement et simplement fermé et, y subsistait encore tout ce qui avait été utile à son bon fonctionnement : mobilier, vaisselle, ustensiles divers ainsi qu'un billard au tapis vert avec ses accessoires et toute la décoration de Noël ayant servi lors du dernier réveillon de fin d'année. On pouvait se prendre à rêver à toutes les festivités qui avaient pu s'y dérouler durant les années trente, quarante et cinquante. Pour nous les enfants, le lieu était à la fois magique et mystérieux. Aussi, nous nous y introduisions en actionnant le verrou intérieur, grâce à un carreau cassé situé dans le haut de celle-ci, le plus jeune d'entre-nous juché sur les épaules d'un plus grand,.

A l'extérieur du mess, restaient visibles les vestiges d'un terrain de tennis en brique pilée, envahi par les hautes herbes. Je me souviens encore avoir été assister à la projection d'un film retraçant l'histoire de l'exploitation minière, en pleine activité à une époque pas si lointaine. La projection eut lieu un soir par une nuit d'encre et un ciel constellé d'étoiles. Quelques chaises avaient été disposées pour l'occasion. Par contre, je ne me souviens pas d'où provenait l'électricité qui fut utilisée pour alimenter le projecteur: D'un groupe électrogène amené sur place pour la circonstance probablement. La population locale ainsi que les derniers européens dont nous faisions partie avaient été conviés à la séance de projection. Celle-ci terminée, je me souviens avoir regagné nos domiciles respectifs, empruntant une route totalement obscure, bordée par la forêt environnante, certains s'éclairant avec une lampe à pétrole dite lampe-tempête.

Notre maison se situait dans une impasse constituée d'une petite voie carrossable poussiéreuse, face à un ravin broussailleux, et la montagne sauvage et verdoyante en toile de fond sur laquelle venaient fréquemment buter les nuages. A l'entrée de l'impasse, se trouvait sur la gauche une petite construction à la peinture d'un blanc défraîchi, le dispensaire. Un infirmier prénommé "Donna" y officiait sous la responsabilité d'un monganga (médecin) d'Albertville. Il y soulageait la population locale des petites affections plus ou moins sérieuses. Il se disait même qu'il eût pratiqué quelques césariennes ! Chacun aura compris qu' il  valait mieux ne pas avoir besoin de soins urgents, car l'hôpital le plus proche, celui d'Albertville, se trouvait à... 140 km, soit à deux heures et demie (ou trois) par la route !

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La maison représentée ci-dessous, celle où nous avons habité durant quelques mois, était la deuxième à droite dans l'impasse. La première était celle que l'on avait coutume d'appeler la "maison de passage". En effet, chaque localité située en brousse se devait d'avoir un gîte à mettre à la disposition du voyageur occasionnel partout au Congo.

Première séquence (de gauche à droite): la façade avant et une partie du jardin sur sa droite.

Bougainvillier ornant la fenêtre de la chambre des parents - Petite barza (terrasse) meublée d'un banc de bois (*) - Porte d'entrée - Fenêtre donnant sur le sallon, meublé de "Louis Caisse", comme il se doit, et éclairé la nuit venue à la "lampe Coleman" (lampe à pétrole dont le manchon illuminait) - Jardin orné d'un manguier abritant les deux "touques" (fûts métalliques ayant contenu le plus souvent du carburant), nécessaires à la consommation en eau pour quelques jours; l'eau provenant de la rivière coulant non loin de Makungu et transportée par camion ! Cette même eau, bouillie au préalable, devait être rendue propre à la consommation par un procédé de fitration dans une sorte de cuve métallique assortie d'un filtre en céramique.
(*) Des "mouches-maçonnes" - sorte de grosses guêpes - avaient construit leur nid dans un coin du plafond de la terrasse. La fenêtre de ma chambre donnant sur ladite terrasse, je m'étais mis en tête de taquiner le nid à l'aide d'un bout de bois. Mal m'en a pris... Voulant rentrer précipitamment  par la fenêtre de la chambre de laquelle j'avais commis mon forfait, je suis resté accroché avec une jambe au dehors. Une mouche-maçonne furieuse m'a enfonçé son dard dans la cuisse... Je me souviens avoir hurlé de mal en sautant sur le derrière jusque dans le séjour !

Deuxième séquence (de gauche à droite): Paysage face à la maison.

A gauche, quelques habitations dont celle du directeur de la Syluma, monsieur Teisseyre, sur une petite route en pente. Seul le directeur possédait l'électricité, celle-ci étant fournie grâce à un groupe électrogène qui se mettait en route à la nuit tombante - La montagne sauvage et verdoyante dans le fond, avec en avant-plan le ravin menant au pied de celle-ci. Il se disait que ledit ravin était parsemé de trous de mine recouverts de végétation (argument rabâché par les parents afin que les enfants ne s'y aventurent pas). Les contreforts de la montagne étaient constitués d'une terre riche qui permettait aux "légumiers" (maraîchers), de fournir en légumes frais Makungu et même Bendera situé à 25 km.

Troisième séquence (de gauche à droite): La "route" et le côté gauche de l'habitation.

Voiture de la société Forces de l'Est (voir Barrage de la Kyimbi) venue de Bendera et attendant devant la maison très tôt le matin - Rocaille dans l'entrée et jardin sur le côté gauche de l'habitation.

Quatrième séquence (de gauche à droite): Côté droit de l'habitation jusqu'à l'arrière de celle-ci.

Vue vers l'avant et fenêtre du sallon - Fenêtre de la salle à manger - Fenêtre avec auvent - Fenêtre arrière de la cuisine - Passage couvert menant vers l'arrière-cuisine - où se cuisait le pain dans un four à bois. A l'avant-plan, système de récupération de l'eau de pluie - Fenêtre de l'arrière-cuisine ornée d'un bougainvillier.

Cinquième séquence (de gauche à droite) : Côté gauche de l'habitation, de l'arrière vers l'avant.

Ensemble arrière-cuisine et cuisine; à remarquer, l'échelle de fabrication locale - Installation fournissant l'eau "courante" à la salle de bains, avec remplissage des touques d'eau à l'aide de seaux - Petite fenêtre et système de récupération de l'eau de pluie - Vue vers le devant de la maison avec la voiture en attente du départ.

Sixième séquence (de gauche à droite): Scène de chargement de la voiture en vue du départ en pensionnat.

Le devant de la maison et la porte d'entrée - Transport des bagages: carnassière d'écolier, sac de cuir, sans oublier le ballon de foot dans son filet. Scène se déroulant dans "l'enthousiasme" et sous le regard impassible du chauffeur de la société - Martine et le chat de la maison; celui qui allait somnoler des années durant sur les fauteuils du mess de la société à Bendera - Le boy de la maison aidant au transport des bagages - Maman au bord des larmes, qu'elle n'allait pas pourvoir retenir une fois le porche de l'Institut Regina Pacis franchi, le moment des adieux venus.