Vie quotidienne

Un peu de solidarité

Avant que je ne l'oublie, je dois te demander, lorsque tu arrives, de prendre dans tes malles quelques petites choses que m'ont demandées certaines personnes d'Albertville.

Il y a d'abord madame Havelange, une personne très gentille chez qui, à partir de demain, je vais prendre tous mes repas (pour 2000 fr par mois) qui me donne mon verre de lait tous les soirs et m'arrange les petites choses que ne savent pas faire les boys (pull-over qui s'effiloche, pantalon en toile dont la couture se défait), enfin personne très serviable. Elle demande que tu veuilles bien lui apporter 15 cm du tamis le plus fin que tu puisses trouver pour la farine. La monture du tamis n'est pas indispensable car on peut en fabriquer ici. C'est tout ce q u'elle demande mais moi, je trouve que tu ferais peut-être bien d'apporter un jouet pour chacun des enfants (le garçon, Roger, a 12 ans, la fillette, Ginette, a 2 ½ ans) car les jouets sont rares et chers ici.

Alors, il y a les Vander Mersch chez qui j'ai déjà passé la soirée, et qui ne parviennent pas à trouver 2 ou 3 disques ici, ni à Éville. Seulement pour cela, il faut faire attention à la douane, car on paie 100 % de droit d'entrée. Il faudrait peut-être les mettre entre le linge. Je te dirai les titres dans une prochaine lettre.
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Le Directeur Général…

Je connais de vue et de réputation Monsieur Marissiaux. C'est notre directeur d'Afrique et, au Congo, il n'y a que le Directeur Général monsieur Tricot au-dessus de lui. Je n'ai cependant jamais eu l'occasion de traiter avec lui. À peine un bonjour de temps en temps et lui ignore peut-être même mon nom. C'est un homme très aimable et un excellent chef (peut-être le meilleur de tous ici), mais il a un défaut affreux pour l'Afrique. Il est toujours tiré à 4 épingles et exige que chacun soit comme lui. Bannis les capitulas, les cols ouverts lorsqu'on sort, etc.
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(rubrique Voyage ???)
Pour atteindre Albertville…

Dès que tu connaîtras des précisions au sujet de la date de ton départ, du moyen de transport, de l'itinéraire, surtout en Afrique, avise-moi, soit que tu ailles :

- par avion comme moi de Bruxelles à Kabalo pus en train, ou bien
- par avion jusqu'à Usumbura puis en bateau
- par train de Matadi à Léo puis en avion de Léo à Kabalo puis en train, ou
- par train de Matadi à Léo, puis en bateau de Léo à Stan, puis en train de Stan à Ponthierville, puis en bateau de Ponthierville à Kindu et enfin en train de Kindu à Albertville, ou
- en train de Matadi à Léo puis en bateau de Léo à Port-Francqui, puis en train de Port-Francqui à Kamina, puis en auto de Kamina à Kabalo, puis en train, ou encore
- en train de Lobito à Bukama, puis en bateau de Bukama à Kabalo pus en train, ou enfin
- en train de Lobito à Kamina, puis en auto de Kamina à Kabalo, puis en train.

Ce sont tous des itinéraires possibles, et actuellement, pour les voyageurs non aériens, c'est le dernier de la liste qui est le seul praticable, en raison des eaux basses.
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Retrouvailles et horaire des bateaux

Étant donné qu'il n'y a que 2 bateaux par semaine entre Usumbura et Albertville, le "s/s Dhanis" le mardi et le "s/s Urundi" le samedi, elle [l'épouse] ratait le départ de mardi et devait attendre jusqu'au samedi à Usumbura (où la vie est excessivement chère), pour arriver à Albertville le vendredi 21 au matin.

De toute façon, j'ai envoyé un mot au Chef de Port d'Usumbura pour lui demander si l'avion arrivant le mardi avait quelques heures de retard, et si ma famille était à bord, de bien vouloir louer une automobile qui mènerait ma femme et ma fille au port de "Kalundu-Uvira" distant de 30 km à peu près et où le bateau faisait sa première escale, assez longue pour permettre le déchargement et le chargement des marchandises.

De plus, le jeudi, j'ai fait envoyer un message radio au s/s Dhanis pour savoir si ma famille était à bord. On me répondit aussitôt affirmativement. J'ai aussitôt fait demander l'heure probable d'arrivée à Albertville. Habituellement le bateau doit arriver dans la nuit du 20 au 21/10, entre 2 et 3 heures, mais les passagers ne peuvent descendre qu'à 8 heures, après les formalités douanières (le bateau ayant fait escale à Kigoma, port de l'Est Africain Anglais), et sanitaires (maladies contagieuses et attestations de vaccination).

Cependant le bateau avait 3 barges de marchandises à remorquer et n'était attendu que vers 5 ou 6 heures du matin. J'ai donc demandé congé pour le vendredi et je me suis arrangé avec les autorités pour pouvoir monter à bord dès l'arrivée du bateau. Et vers 4 h ½ du matin, j'étais au port où je m'étais réservé un petit bureau avec une chaise et une lampe. Bien m'en a pris car le bateau n'était pas encore en vue et il n'est arrivé que vers 9 heures du matin.
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Insectes et faune…

Sales bêtes!
Comme je m'interrompais de recopier cette lettre, je me suis senti des démangeaisons à mon petit orteil. En y regardant de plus près, j'ai vu que, tout près de l'ongle, c'était noir et blanc, et en essayant d'écarter l'ongle, un jet de sang a jailli. Pas de doute, c'était une "chique".

Le boy de madame Havelange, qui est un spécialiste, me l'a enlevée sans trop de mal avec une aiguille. Il paraît qu'elle était grosse et datait certainement de 3 ou 4 jours. Il a eu assez de mal et a même cassé une aiguille.

Maintenant, c'est fini, j'ai mis un petit bandage car j'ai tout de même un petit trou d'un demi-centimètre. C'est ma première chique ici et cependant je ne cours jamais pieds nus. Enfin, c'est moins ennuyant que je ne le croyais.
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Hygiène et bilulus

Avant-hier, le service de l'Hygiène est venu asperger l'extérieur et l'intérieur de la maison avec du DDT. Chaque maison a ou aura d'ailleurs son tour. C'est très efficace mais que d'ennuis quand on est seul. D'abord il faut déménager tous les meubles pour débarrasser les murs. Puis il faut tout recouvrir de papier ou de couvertures. Et quand l'opération est terminée, on en a pour 2 ou 3 jours à sentir partout du pétrole, et enfin, pendant ce même temps, tous les matins, il faut ramasser les cadavres de moustiques, de fourmis et autres bestioles qui jonchent le sol. Malheureusement, cela n'a qu'une efficacité de 6 mois et on compte renouveler le traitement tous les semestres. Je vais voir le résultat sur le nid de fourmis à la porte de la barza, car jusqu'à présent, rien n'est parvenu à les faire déguerpir. Espérons qu'elle seront dégoûtées à présent.
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Au point de vue "bestioles", c'est supportable. Il y a quelques moustiques (pas énormément), de toutes petites araignées (hé, hé!) et des fourmis (!). il y a aussi deux beaux petits lézards dans notre chambre et un caméléon qui se promène partout. Je les laisse tranquilles car ils sont inoffensifs et même très utiles car ils mangent les moustiques.

En raison de la saison exceptionnellement sèche, il y a des tas d'animaux qui descendent de la brousse, à la recherche d'un peu d'eau. C'est ainsi qu'un soir, j'ai tué un grand rat sur la barza, en rentrant, et que par-ci par-là on trouve un serpent (pas bien gros, rassure-toi) dans l'un ou l'autre jardin.
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Nous ne constatons presque pas de bêtes nuisibles chez nous, mais assez bien d'insectes divers, des phalènes qui viennent par invasions mais ne nous ennuient pas, des éphémères qui meurent aussitôt arrivées, quelques mantes religieuses très jolies à regarder, pas beaucoup de fourmis, de splendides papillons, des sauterelles. Quant aux bêtes nuisibles, nous venons de voir notre premier serpent dans la maison voisine (60 cm). Quelques rares et minuscules scorpions, quelques cancrelats que la propreté de la demeure a presque entièrement chassés et des rats de brousse auxquels le chat donne la chasse.

Par contre, nous sommes ennuyés par un autre genre de pensionnaires. Entre le plafond et le toit, nous avons des chauves-souris (ce qui n'est pas désagréable mais très utile) qui voisinent avec… un essaim d'abeilles qui y a construit une ruche! Elles ne savent pas entrer dans la maison, mais certains jours, elles bourdonnent par centaines autour de la maison et il faut alors vite tout fermer. Nous sommes cependant parvenus à les dresser car, lorsqu'elles ont envie de sortir leur dard, elles vont rendre visite aux voisins qui ont déjà tous été piqués. Nous trois, par contre, et les boys, nous n'avons encore rien eu. Depuis quelques jours, nous ne les voyons plus et j'espère bien qu'elles sont parties car on m'a signalé qu'une maison, à quelques kilomètres, avait reçu la visite d'un essaim d'abeilles qui voulait y établir ses quartiers. Je voudrais pouvoir croire que ce sont les nôtres qui ont déguerpi mais je n'ose pas trop y aller voir et les boys non plus, car la chaleur rend les abeilles plus nerveuses ici qu'en Europe.
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Notre ménagerie

Il faut maintenant que nous parlions de notre ménagerie. Outre les dix pigeons dont tu connais déjà l'histoire, nous avons à présent un chat, deux chiens et un singe, sans compter un caméléon qui est resté longtemps dans le jardin, et des multitudes de lézards.

Des dix pigeons que nous avions rachetés, nous en avons déjà mangé deux : c'est vraiment délicieux et très sain pour la petite. Nous devrons en manger régulièrement car ils croissent assez bien. Nous avons déjà 10 adultes, 6 plus jeunes et 2 œufs.

Les poules sont également intéressantes pour leurs œufs et leur chair qui n'est pas si coriace qu'on veut bien le dire. Je ne m'en suis pas encore occupé car je devrais encore faire toute une installation pour les mettre à l'abri la nuit, car cela attire les serpents. De plus, je me suis laissé dire que les poules amèneraient des maladies aux pigeons et vice-versa.

La petite voulait absolument un chien et, chose étonnante, nous ne sommes pas parvenus à en trouver un jeune. Toutes nos relations, tous les boys du voisinage n'ont rien obtenu jusqu'au jour où notre boy nous arrive avec deux jeunes petits de 6 semaines dans les bras, un tout noir et un blanc avec une tache noire sur l'œil. C'étaient deux petits frères d'une nichée de 6 chiots. Le propriétaire, un noir des environs d'Albertville, demandait 600 francs. Ils ont un culot formidable pour extorquer de l'argent aux blancs. J'ai laissé les chiots qui étaient vraiment gentils chez moi, et je suis allé trouver le zèbre en lui présentant 200 francs. Il a refusé. Alors je lui ai dit de venir rechercher ses bêtes. Il n'est venu que quinze jours après, spéculant donc sur l'attachement qu'on avait déjà. Liliane les aimait, mais comme il maintenait son prix, je me suis fâché et je les ai renvoyés. Cependant, comme Liliane avait du chagrin, j'ai envoyé le boy d'un voisin pour acheter un des deux chiens pour son compte personnel. Il a obtenu le noir (un mâle) pour 140 francs. Par après, comme Liliane demandait après le chien blanc, nous nous sommes arrangés pour que Saint Nicolas vienne le lui apporter (150 francs car c'était une femelle).

Le chat ne nous a rien coûté et est très précieux pour les bêtes. Il dépiste les serpents, bouffe les rats et les autres petites bêtes. Il s'agit d'une femelle abandonnée par un agent qui est parti à Kindu sans avoir pris soin de confier son chat à quelqu'un. Nous l'avons adopté et cela nous promet bien du plaisir, car elle attend famille, et cet événement se renouvelle en moyenne tous les trois mois!!!

Le singe nous a coûté 50 francs. C'est un petit macaque femelle de 3 mois qui est adorable et que nous avons installé dans le jardin. Il prend J pour sa mère et la serre quelquefois dans ses petits bras. Ce sont aussi souvent des luttes homériques avec les chiens.
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La "ménagère"…

Malgré les occasions, je n'ai pas pris de "ménagère"! J'ai dû cependant dire clairement à Christophe (mon boy) que je n'en avais pas besoin, dans le dessein qu'il répète mes paroles, car lorsqu'un blanc, seul, emménage dans une maison, à la première occasion où il a laissé une porte ouverte, il trouve en rentrant le soir, une négresse qui l'attend à l'intérieur et lui explique avoir déjà fait du "kazi muzuri" (joli travail) pour tel ou tel autre blanc. Heureusement (ou malheureusement, qui sait!), cela ne m'est pas encore arrivé!
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Les petites choses du quotidien, le coût de la vie…

Il y a un salon européen de coiffure pour dames, mais pas un seul pour messieurs. Il y a un employé du CFL qui commence à couper les cheveux après ses heures, mais il est très cher, habite très loin sur les hauteurs et n'est pas toujours libre. Il y a un seul autre coiffeur, un hindou qui va de maison en maison et fait des coupes pour 30 francs, mais c'est un hindou, sa propreté n'est pas garantie, il se saoûle très facilement, et se permet de ne pas passer pendant un mois pour sortir brusquement de sa tanière inconnue, après avoir dépensé ses bénéfices. À certains moments, les gens ont ici une tignasse abondante et se laissent presque tous couper leurs cheveux par leur femme.
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On me signale encore que si tu as encore une place vide dans ta valise, d'y mettre quelques rouleaux de papier pour armoires car ils sont ici plus petits qu'a Bruxelles et coûtent 25 fr le rouleau. Je te signale encore que "Bata" vient de fermer ses portes à Albertville et que, par conséquent, il n'y a plus énormément de choix en souliers dans la place. On me dit encore que les permanentes coûtent 600 fr et les mises en plus 150 fr. cela provient du fait que les produits doivent venir d'Europe et qu'ils arrivent souvent cassés, ne pouvant être transportés en avion car inflammables.
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On me signale encore que les jouets sont ici vraiment hors de prix. Effectivement, j'ai vu une poupée de loques, mais avec une figure en coton, bien dessinée, pour 450 fr. Par contre les balles me paraissent meilleur marché qu'a Bruxelles.

J'ai acheté une paire de draps de lit pour 2 personnes (320 fr) et une couverture pour repasser (75 fr). J'ai encore commandé une grande moustiquaire, un traversin et deux oreillers.

La laine à tricoter coûte ici 35 fr les 100 gr.
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Voici le tarif habituel des "matabich"

- pour un petit service (porter une lettre, aller chercher de l'eau, etc): 1 franc;
- pour porter une valise, même lourde: 2 ou 3 francs;
- pour rendre un vrai service ou porter quelque chose de lourd loin etc. : 5 francs. Jamais plus de 5 francs. Ne te laisse surtout pas faire pars les noirs qui trouveraient qu'ils n'ont pas reçu assez de pourboire. Ils voient à qui ils ont affaire.
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Voici quelques renseignements concernant les prix pratiqués ici :

- Draps de lit pour 2 personnes : les + grands et pure toile : 360 fr la paire.
- Draps de lit pour 1 personne : les + grands et pure toile : 210 fr la paire.
- Essuie-cuisine (blanc avec une grande ligne rouge près du bord) 11 fr
- Essuie-éponge : 41 fr pièce.
- Combinaisons, chemises, culottes pour dame: n'existent pas ici (les femmes font venir leurs combinaisons de Belgique et ne portent ni chemises ni culottes mais un simple cache-sexe qu'elles se font elles-mêmes).
- Robes toutes faites : 1500 fr dans un magasin et 600 fr lorsqu'on le fait faire par un tailleur noir.
- Combinaisons, chemises, culottes, robes pour enfants: n'existent pas, on les fait soi-même.
- Chemises homme : à partir de 190 fr (à peu près comme celles que tu m'as achetées au miroir).
- Camisoles homme : 30 fr
- Caleçons homme : 35 fr
- Chaussettes : de 35 à 80 fr
- Capitulas : tout fait : 350 fr; avec tailleur noir : 200 fr pour deux.
- Bas dame : nylon : 80 fr les plus chers; soie ne se vend pas car on ne porte des bas que lorsqu'on "sort".
- Chaussures dame : plus ou moins 600 fr
- Nappes : 110 fr
- Serviettes : 10 à 12 fr pièce

J'indique encore quelques articles, en dehors de ceux que tu m'as demandés :
- Tissu tobralco : 75 fr le mètre
- Tissu coton : 40 fr le mètre
- Réchaud électrique à 2 becs (il paraît que c'est indispensable en saison des pluies quand le bois est humide) : 800 fr
- Fer à repasser électrique (idem) : 600 fr
- Imperméable pour femme sans capuchon : 790 fr
- Rideaux (vulgaire coton droit, sur 1,10 m large) : 55 fr le mètre
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Voici maintenant quelques articles plus ou moins indispensables et qu'on ne trouve pas ici :

Un fort fin tamis à farine; plusieurs passettes (pour thé, lait…), pinces à linge; petits couteaux à légumes; coton blanc et kaki à repriser les capitulas, etc.; agraphes blanches pour les robes; aiguilles pour machine à coudre; coton et laine à repriser chaussettes; aiguilles à repriser bas; punaises pour armoires; chaussures d'enfant en dessous d'une certaine taille (4 ans); moulin à viande (indispensable pour le haché); couverts (il n'y en a qu'en fer et à 4 fr pièce); cadres; gravures; moulin à café; casseroles; ustensiles de cuisine; vaisselle (on en trouve mais très cher). (À ce propos, il paraît qu'on vend à Bruxelles des "malles-Afrique" remplies de vaisselle. Renseigne-toi sur les prix et le contenu); poires à lavement pour enfants (le docteur interdit les suppositoires); semences (tu devras en prendre quelques sachets avec : persil, cerfeuil, gazon, oignons, échalotes, haricots nains, fleurs…).

Je m'étais également rendu compte qu'une glacière électrique était indispensable dans un ménage mais elles sont si chères (16.000 fr, même d'occasion). Il y a deux jours, j'apprends qu'un ménage de vieux coloniaux, fin de carrière, doit partir en décembre et qu'ils vendent leur glacière. Je vais chez eux et ils me disent qu'ils vendent leur glacière et leur poste de TSF, ensemble et pas l'un sans l'autre, pour 15.000 fr. Après avoir examiné les 2 meubles (glacière achetée en janvier 49 avec garantie de 8 ans – 6 pieds cubes – grand meuble sur trépied – fonctionnement parfait ; TSF Philips acheté en 48, grand modèle, marche aussi bien que possible pour les petites ondes).
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J'ai fait réparer mes souliers (2 semelles, 2 talons et 4 fers). Cela m'a coûté 90 francs. Ce n'est pas trop cher je crois, si je songe que Christophe a certainement prélevé un pourcentage.
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Approvisionnement et différences du coût de la vie

À présent un petit article sur la différence de cherté des produits. La vie est plus chère à Usumbura, quoique n'étant relativement pas très éloigné d'Albertville. Cela tient à plusieurs raisons. D'abord le transport. Usumbura se trouve presque au terminus de la voie de transport nationale qui va de l'Océan au Centre de l'Afrique, soit par Matadi-Léà-Stan-Kabalo et Albertville, soit par Lobito-Tenke-Bukama- Kabalo et Albertville, soit par Dar es Salam et Kigoma. De toute façon, le prix d'un transport maritime d'au moins 2 jours (car le transport sur le Lac, avec ses tornades, peut vraiment être considéré comme tel) grève le prix des marchandises.

D'autre part, pas loin d'Albertville, il y a la région agricole des Marungu, aux abords de Moba et de Baudouinville, qui nous approvisionne en fruits et légumes, jusque des fraises (mais oui!). Le restant nous vient généralement du centre de distribution d'Elisabethville et de ses environs agricoles. Il n'y a vraiment que le beurre de cuisine qui nous vienne du nord du Ruanda pour être précis. Le beurre-crème par contre nous vient d'Eville. Il y a encore le prix de la main d'œuvre indigène qui influe, qui est beaucoup plus élevé à Usumbura (territoire sous tutelle où les indigènes ont acquis un certain esprit plus libre vis-à-vis du blanc). Par contre à Albertville, un ouvrier indigène gagne peut-être en moyenne 4 francs par jour. Il faut aussi tenir compte que son rendement n'égale pas le 50ème du rendement blanc.

Et puis, surtout, il y a le fait qu'Usumbura, situé aux abords du Kivu, est déjà un endroit aristocratique. Le seul hôtel de l'endroit veut faire comme au beau milieu du Kivu, région touristique, en ajoutant au luxe, la cherté des prix, et les magasins font chorus.
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Anecdotes ancillaires

Il faut aussi que je raconte quelques petites choses au sujet de Christophe.

Hier, il me dit dans son kiswahili mélange de français : "Il y a de belles montres chez Alhadeff (un magasin). Pour 200 fr, mais nègre ne peut pas acheter chez Alhadeff. Est-ce que monsieur peut pas acheter la montre et je paierai à monsieur". Je lui demande s'il a 200 fr. Il me répond par la négative, disant qu'il n'a que 100 fr. Alors, comme je lui dis que, pour acheter sa montre, j'attendrai qu'il me donne le prix exact soit 200 fr, il me répond: "Mais tu peux me prêter sur mon salaire!" Comme je lui explique que cela, je ne le fais pas et ne le ferai jamais et qu'il doit apprendre à épargner, il est entré dans des explications formidables, citant d'autres blancs qui avaient fait des avances à leurs boys. Entrant dans le jeu, je lui ai cité des tas d'autres blancs et noirs qui avaient prêté de l'argent et ne l'avaient plus jamais revu. Il comprit tout de suite, et si bien qu'il finit par me dire: "Ce que je te demande n'est qu'un exemple, pour voir ce que tu allais faire. Moi, je ne veux pas de montre. C'est trop cher. Mais à Kongolo, il y a une "bibi" (jeune fille indigène) qui m'attend et que je dois épouser. Mais je dois donner à son "baba" (père) 7 chèvres, 2 pots de confiture, 1 fût d'huile, une pièce de tissu, une houe, 2 mouchoirs de tête et 2 soutien-gorge. Je lui ai déjà donné les 2 pots de confiture et il m'a fait écrire par le clerc du village qu'il avait besoin d'argent et qu'il me donnerait sa fille pour 500 fr. Alors, je voulais voir si tu pouvais me prêter 500 fr pour moi me marier". C'était évidemment très émouvant mais j'ai déjà appris à ne pas accepter pour argent comptant tous leurs racontars. Je lui ai donc dit qu'au bout de 4 mois, s'il épargnait son salaire, il aurait 480 fr. Je lui donnerais alors 20 fr et il pourrait aller chercher sa bibi, mais que moi, comme en Belgique, je ne prêtais jamais rien. Il a eu l'air satisfait, surtout lorsque je lui ai promis que, s'il travaillait bien et si madame sera contente de lui, il aurait 180 fr par mois.
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Les loisirs

Cinéma

Ce soir, pour passer le temps, je vais au cinéma voir "Sahara", un film en version française qui retrace l'épisode de la 5ème Division Américaine pendant cette guerre. Mais ce qui est vraiment intéressant aussi, ce sont les actualités qui nous rattachent un peu au pays et qui présentent quelques vues que nous connaissons. C'est tellement vrai que, ce soir, on donne deux séries d'actualités différentes.
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J'ai pris un abonnement d'un mois au cinéma (75 fr pour tous les jeudis du mois d'août). Demain, j'irai voir "L'homme sans nom" (?).
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Les distractions normales ne manquent pas. Il y a 2 cinémas (l'un le samedi et le dimanche, 35 fr, l'autre le dimanche et le jeudi, 25 fr), et une société littéraire qui donne une séance-théâtre, cinéma, récital ou conférence, les mardis).
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Sport

Il y a un bon petit temps aussi que je ne pratique plus le football. Après 2 ou 3 parties, je me suis rendu compte que cela me fatiguait beaucoup, quoique les parties se donnaient de 16 ½ à 19 h. Peut-être que le manque d'entraînement y était pour quelque chose, mais j'ai préféré m'abstenir complètement. On m'ennuie bien de temps en temps pour me demander de jouer, mais je préfère le ping-pong et surtout le whist que je pratique tous les samedis soir.
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Jeux de hasard

Régulièrement aussi, on remplit des pronostics "Prior" qu'on reçoit ici 10 jours d'avance. J'ai fait adopter par une cagnotte de 25 agents du CFL une grille de ma fabrication qui a remporté tous les suffrages et qui coûte 625 fr. J'ai moi-même organisé une autre cagnotte de 253 fr sur un autre système encore plus avantageux, et nous attendons la fortune (nous avons déjà eu un 10 au second coup). Il y a quinze jours, un de nos collègues qui, en dehors de la cagnotte, avait rempli un bulletin individuel, a obtenu un 12. Par malheur, cette semaine-là, il y avait assez bien de gagnants et cela ne lui a rapporté que 7000 fr.
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En écoutant la radio

Le TSF est un Philips assez récent, sans pick-up, mais le dispositif est prévu pour pick-up, haut-parleur supplémentaire, etc. Le cadran est à l'extérieur sur le dessus de l'appareil. Nous en sommes très contents. J'ai placé une longue antenne extérieure mais j'ai dû également placer une prise de terre et surtout une installation parafoudre car c'est trop dangereux : un orage arrivé à l'improviste a déjà détruit de fond en comble notre maison il y a quelques années. Il y a trois genres d'ondes: les ultracourtes de 12 à 46 m, les petites de 40 à 160 m et les grandes de 160 à 600 m. Nous n'obtenons pour ainsi dire aucun poste sur les grandes ondes et quand on en a un, on s'empresse de le fermer, tellement il y a des fritures. De temps en temps, on a un poste anglais sur les petites ondes, des les bandes des 60 et 70 mètres, mais c'est encore souvent peu audible. Mais la gamme des ultracourtes présente une diversité formidable. Le midi et pendant la journée, il n'y a que 3 postes intéressants qu'on a clairement : Radio Brazzaville (19 m), Radio Congo Belge (31,5 m) et Radio Nederland (25 m), mais le soir on a vraiment le choix : Radio Congo Belge (31,5 m), Radio Léo (30,2 m), Radio Brazza, Radio Paris, Radio Sud-Africaine, la BBC, Eville, Dakar, New York, Vatican et d'autres que je passe en y comptant tous les postes arabes, hindous et portugais. Quand il fait bon, on a aussi très purement Radio Monte-Carlo dans les 30 m, qui diffuse un programme semblable à Luxembourg. Il nous arrive aussi de prendre un poste où il y a de la belle musique, et après on s'aperçoit qu'il s'agit d'un poste inconnu, à consonances slaves ou asiatiques.
© famille Schraûwen

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