Evénements de juillet 1960

Les premiers jours de l'Indépendance et l'évacuation par bateau vers Kigoma et Dar-Es-Salaam


 

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Notes et témoignages relatant les évacuations des réfugiés de Kongolo du 8 au 12 juillet 1960 vers Kigoma ainsi que la situation à Albertville telle que vécue par les témoins durant ces jours d’effervescence.


Introduction

Lire les notes de Symphorien Semvua Sikyala en se reportant au site www.albertville.be, dans la rubrique « Albertville - Au fil du temps » «1952 - Les souvenirs de Symphorien Semvua Sikyala»:

«Mon premier contact avec Albertville a eu lieu au port d’Albertville. C’était un beau matin en 1952, je venais de débarquer d’un bateau de la CFL au port, à l’ancien port, venant de Kalundu où je venais de faire escale, du moins en transit de Bukavu pour le centre extra coutumier d’Albertville. Mon père venait de m’expédier chez son géniteur comme il était de coutume à cette époque…» (lire la suite)


Témoignages recueillis par J-L GABRIEL

Ils complètent ses notes prises heure par heure et consignées dans deux carnets d’étudiant lors des événements de juillet 1960.
Ceux-ci sont restés fermés pendant plus de quarante ans.

Les personnes citées ci-après sont ces témoins du passé :

Paul Galland ; Notes de Guy Weyn – notre historien d’Albertville - dont les témoignages d’une religieuse de l’Institut « Regina Pacis », de MM. Romain, Bouvy et Carette, commandant de la Force Publique à Albertville ; Symphorien Semvua Sikyala ; Gabriel Birkenwald ; Rita Schonk ; Guy Braas ; Marcel et Betty Tondeleir ; Michel Stravrianos ; Avec la contribution spontanée de Pierre Van Bost pour quelques informations techniques concernant les chemins de fer.

ALBERTVILLE 1960


Les craintes

Extrait d’une lettre du 1er mai 1960 de Paul Galland adressée à sa famille restée en Belgique. A noter que Mr Galland, agent du CFL, était le chef de la M.O.I. – Main d’Oeuvre Indigène - et, par cette fonction, en contact permanent dans ses déplacements avec les quelques 13.000 travailleurs de la Compagnie des Grands Lacs.

… « J’éprouve le besoin de me rapprocher de vous tous. Pourquoi ? »

… « depuis que nous ressentons beaucoup plus qu’avant que nous sommes des expatriés. Nous assistons impuissant à une métamorphose, c'est-à-dire à l’agonie des institutions que nous avions installées ici, à la mise en place d’autres institutions. Que sortira-t-il de ces nouvelles institutions? Nous ne le savons pas et, c’est cela qui nous oppresse » ...

… « Vous lisez chaque jour dans la presse, vous écoutez chaque jour à la radio les événements d’ici. Nous, nous les vivons intensément, parce que tout le monde ici est inquiet, les Congolais encore plus que nous, car nous allons vivre une aventure et, si nous savons comment elle a commencé, personne ne sait comment cela va finir. Mais, est-ce bien une aventure ? Le Congo était bien parti, il faut voir ici sur place, ce qui avait été réalisé en cinquante ans, encore cinquante autres années, et nous aurions pu construire un vrai peuple, une communauté policée et intelligente. Dans quelques semaines, tout cela sera peut-être perdu, gâché, détruit. Si les gens avaient eu la patience d’attendre pour récolter les fruits qui avaient été semés, nous aurions eu un splendide verger » …

… « Nous (la Belgique) avons mis des centaines d’années à forger une nation et nous avons souffert pour accoucher lentement du peuple que nous sommes devenu. Au cours de ces âges, il y a eu des années difficiles qui ont cimenté notre union et ont fait un tout solide, nous avons acquis un patrimoine qui est notre civilisation, celle qui est la résultante de nos douleurs et nos joies, de notre science et de nos erreurs. Cet acquit, ce capital lentement économisé, nous le jetons en vrac à des êtres à peine dégrossis. Ces gens, nous les avons transplantés brutalement dans l’ère atomique » …

… « Nous sommes en train de faire aller le Congo de la barbarie à la décadence, sans passer par la civilisation. Cette caricature de démocratie que nous allons installer sera sanglante, elle l’est déjà, demain elle le sera encore plus, et beaucoup d’hommes mourront. La tranquillité que nous avions instaurée à grand peine, la paix que nous avions su faire régner, tout cela sera balayé au souffle de l’ambition et de la haine. Pire, bien pire encore, les luttes ancestrales ont repris et vont renaître partout avec une cruauté accrue par les moyens de destruction que nous leur avons procurés. La liberté? Allons donc ! C’est l’esclavage que les gens qui nous commandent vont établir ici. Ces gens qui pendant plus de cinquante ans ont ignoré le Congo, ont tout à coup découvert depuis un peu plus d’un an, qu’il y avait de «pauvres noirs», et aussitôt, de nous accuser des pires maux, nous qui avions osé aller tenter ailleurs d’apporter la prospérité, nous sommes devenus des oppresseurs, des pommes pourries » …

… « Je vais en rester là, cela m’a fait du bien de m’épancher, qui sait, peut-être que je me trompe et que demain tout ira bien ici, ce que je souhaite de tout cœur, pas seulement pour nous les « blancs », mais surtout pour les braves Congolais que je connais depuis bientôt 22 ans » …


Le 30 juin 1960

(D’après les notes de Guy Weyn : « Albertville, la perle du Tankanyka – Historique de la ville et de sa région » p. 35)

Et enfin arriva le 30 juin, jour prévu pour l’Indépendance. Pour l’occasion, la ville avait été pavoisée et partout flottait le drapeau azur aux étoiles d’or. Le travail s’était arrêté et les magasins avaient fermé leurs portes.

Les cérémonies officielles débutèrent solennellement à 10h30 du matin par un Te Deum en l’église du Christ-Roi à la Mission. Une religieuse de l’Institut Regina Pacis, témoin de l’événement, nous en a laissé un fidèle compte-rendu :

« Quand nous arrivons vers 10 heures à la mission, soldats, policiers, la musique et bon nombre de personnes attendent devant l’église, tandis que les scouts, bannières au vent, s’exercent à la marche en chantant. Ici, au Christ-Roi, c’est la pleine atmosphère de grande fête : drapeaux partout, habits de fête, figures épanouies et heureuses. Et de la tour de l’église tombe, pour résonner au loin, la symphonie harmonieuse et grave du carillon de Bruges. C’est émouvant… La cérémonie religieuse, très bien préparée et minutieusement organisée, se déroule dans un ordre parfait. Monsieur le Commissaire de District, MM. les chefs et autres personnalités congolaises et européennes ont leur place réservée. Un groupe de scouts, portant drapeau congolais et tous les drapeaux de leur mouvement, sont placés en demi-cercle dans le choeur. Le coup d’œil est splendide. Les cloches sonnent maintenant à toute volée ; il est 10h30. Le père Supérieur et ses acolytes, un prêtre congolais et un père blanc, précédés d’un groupe imposant d’enfants de chœur, entrent solennellement par le fond de l’église. Pendant ce temps un père fait une très belle allocution de circonstance en français et en kiswahili. La chorale, placée derrière le maître-autel, exécute à la perfection un Te Deum solennel ».

Une petite tribune a été dressée face à l’église et, bientôt les autorités y prennent place pour suivre le défilé de quelques mouvements de la jeunesse masculine. Ensuite, tout le monde se dirige vers le stade Baudouin. Bien vite la tribune est comble… Nous remarquons que l’assistance n’est pas tellement nombreuse et surtout qu’il y a très peu de femmes. A midi, on tire une vingtaine de coup de canon et pendant tout ce temps retentit la sirène du CFL.

Ensuite, monsieur le Commissaire de District prononce son discours en français, puis en kiswahili. Il reprend et interprète une phrase magistrale prononcée par le chef de l’Etat dans sa prestation de serment et qui vise à l’entraide et à la bonne entente entre deux peuples amis. Il loue aussi la population d’Albertville pour son esprit de pondération et de calme pendant les derniers temps. Il assure l’Autorité congolaise de la volonté sincère de tous les fonctionnaires belges à se mettre entièrement au service du gouvernement congolais. Terminant par les vœux de : «Vive la République du Congo, Vive le chef de l’Etat du Congo Indépendant», il recueille des applaudissements. Le chef Tumbwe prononce ensuite un discours en kiswahili. Il fait ressortir le travail accompli par la Belgique en faveur du Congo et exprime sa reconnaissance envers tous ceux qui y ont contribué. Il nomme spécialement le roi Léopold II et Baudouin I. Le chef exhorte ses sujets au travail dans l’ordre et la paix pour le plus grand bien du pays. Il termine par les vœux : « Vive la Belgique, vive le Congo Indépendant ». Il est vivement, mais frénétiquement applaudi. La chorale du Christ-Roi exécute alors un chant sur mélodie et rythme congolais et un speaker explique à l’assistance la signification du drapeau au sept étoiles.

Le chef Tumbwe reprend à nouveau la parole pour rappeler que les trois jours suivants seront encore consacrés à la fête ou aux réjouissances. Il les exhorte à passer ces jours dans une grande joie, chez eux en famille, dans le calme et la paix. Il demande qu’ensuite chacun soit fidèle à revenir au travail lundi prochain.

C’est la fin des cérémonies officielle qui se sont déroulées dans l’ordre, sans manifestations bruyantes. Chacun se retire, calme et heureux. Les fêtes de l’Indépendance se prolongèrent pendant trois jours jusqu’au dimanche 3 juillet. Les travailleurs du camp CFL, se virent offrir pour la circonstance un cadeau souvenir et, bien sûr, le verre de l’amitié. Quant au commissaire de district, il se devait de profiter de l’occasion pour procéder à une importante remise de décorations.

Au programme des réjouissances publiques figurait un défilé des troupes et de la fanfare C.F.L. au stade Roi Baudouin, des démonstrations sportives et des danses folkloriques. Les célèbres cocotiers de l’avenue Storms firent aussi la haie d’honneur à une course cycliste où les concurrents, débordant d’énergie sous le soleil et les vivats de la foule, roulèrent à vive allure sous les yeux admiratifs de Africains et des Européens, attablés ensemble à la terrasse des cafés ou debout le long des trottoirs.

Le 2 juillet, le stade accueillit un match de football où deux équipes locales se disputèrent avec acharnement la coupe de l’Indépendance. Pour terminer, un grand banquet, offert par les autorités belges le dimanche 3 juillet, réunit à l’hôtel Résidence, sur la colline Etat, plus de trois cents convives européens et africains. On y remarqua des chefs coutumiers et parmi eux le grand Tumbwe, des Evolués employés à l’Etat et dans les compagnies privées, et les notables du Centre Extra Coutumier, présidés par Léon Kabembe.

A ceux-ci s’ajoutaient les principaux fonctionnaires de l’ex-Congo Belge et les dirigeants du C.F.L. La réception s’était déroulée dans une excellente ambiance et un réel esprit d’amitié. Aussi les invités rentrèrent-ils chez eux en rêvant de prospérité et de lendemains radieux ; et c’est tout à fait normalement que tous reprirent le travail le lundi matin.


L’euphorie fut hélas de courte durée !

Les 5, 6 et 7 juillet, les soldats et cadre subalternes noirs de la Force Publique se rebellèrent contre leurs officiers blancs, à Léopoldville d’abord, puis à Thysville. Les mutins de Thysville évoluèrent dans plusieurs directions, se livrant à des viols et à des actes divers non moins violents à l’encontre des Européens.

L’arrivée le 7 juillet à Léopoldville des réfugiés du Bas Congo, la diffusion des exactions commises et l’anarchie croissante dans la capitale décidèrent les Européens à quitter la ville en masse le 8 juillet vers Brazzaville, de l’autre côté du fleuve. Aussitôt répandue par les radios, la nouvelle de la gravité des événements et de la généralisation de la révolte gagna tout le Congo comme une traînée de poudre. Ces informations provoquèrent une méfiance réciproque entre les deux communautés et le développement en chaîne de la violence.

La première mutinerie du Katanga se produisit le 8 juillet vers 18 heures


Symphorien Semvua Sikyala, ressortissant Congolais, vivant à la cité d’Albertville fait une synthèse couvrant les événements dont il fut témoin durant ces longs mois d’angoisse.

L'Indépendance à Albertville, vue par Symphorien Semvua Sikyala

Que s’est-il passé à Albertville le 30 juin 1960 et les semaines suivantes ?

Albertville venait de jubiler lors de la visite de la Reine Elisabeth et déjà, des vicissitudes nouvelles allaient embarquer ma ville vers un tourment dont elle ne s’est pas encore sortie jusqu'à ce jour. Et elle en souffrira encore longtemps. Son seul salut réside dans la capacité des générations futures de s’investir à tout reconstruire. En 1958, la ville avait connu des grèves à la CFL, à la Filtisaf et dans bien d’autres fabriques de la ville. (lire la suite)


Albertville 8 juillet

( D’après les prises de notes de J-L Gabriel rédigées au fur et à mesure que les informations circulaient dans son entourage, depuis ce jour du 8 juillet 1960 )

Ce vendredi soir est un vendredi comme tous les autres. A 19.30 heures je rejoins le cercle C.F.L. pour la leçon de judo. Dans les vestiaires, copains et copines sont au rendez-vous. Jules, notre instructeur habituel, ceinture marron qu’il vient de conquérir en la présence de Monsieur Meelaerts ceinture noire, s’essaie déjà avec les premiers arrivés. Monsieur Meelaerts, adjudant à la Force Publique, avant de regagner ses quartiers à Kongolo, avait dispensé ses conseils et entraîné notre ami Jules lors de son passage à Albertville. Il avait laissé une forte impression et rien que sa présence avait dynamisé le club. Nous en gardions un excellent souvenir. Suite aux événements, je devais le revoir sur le bateau lors du premier convoi de réfugié vers le Tanganyka [*] Territory, l’actuelle Tanzanie.

[*] L’orthographe officielle est Tanganyika, mais en français on accepte aussi Tanganika. Tanganyka se retrouve dans quelques ouvrages, mais n’est pas courant. En effet la carte dont se servent les capitaines pour la navigation sur le lac d’après « Le lever de la côte belge de Mr Ossossoff de 1941 – 1942 » est orthographiée avec un « i » tandis que la copie de cette carte après 1960 de la RDC, province du Nord Katanga, nous retrouvons le « y »]

Dans les vestiaires, on ne pouvait échapper aux commentaires sur la situation à Léopoldville. Bien entendu, la capitale avait déjà été éprouvée lors des événements de 1959, mais depuis, le Congo avait acquis son indépendance le 30 juin 1960; il se pouvait que la situation se dramatise davantage, et que la menace de déstabilisation gagne tout le territoire de la nouvelle République du Congo. Radio Léopoldville venait d’annoncer le limogeage du Général Janssens par le turbulent Premier Ministre, Patrice Emery Lumumba. Les bruits de couloir faisaient état de troupes belges sur le qui-vive à la base de Kamina, prêtes à intervenir dans le sud Katanga afin de protéger les compatriotes en danger. Il est vrai que des mesures de protection en cas d’évacuation avaient été mises en place. Mais il n'était nullement question de mesures offensives comme les rumeurs le laissaient entendre. Justement, du commandement militaire, des ordres avaient été donnés pour les faire taire…

Mais pour l’instant, les judokas d’Albertville présents sur le tatami s’apprêtaient à recevoir leur leçon mensuelle de self-défense qui s’était ajoutée aux cours réguliers. En effet, à la demande insistante des participantes féminines de notre club, Jules s’était en plus laissé convaincre par sa jeune épouse. C’est dans cette atmosphère de fébrilité à peine perceptible que le cours de l’histoire allait pour nous prendre une autre tournure. C’est en pleine démonstration, dans les environs de 20.00 heures que monsieur Luppens, le président du club, fit son entrée dans la salle. S’approchant de Jules, il lui chuchota quelques mots à l’oreille et s’éloigna tout aussitôt sur la pointe des pieds. L’expression d’étonnement que nous avions perçue sur le visage de Jules, fit régner un désagréable pressentiment. Non encore remis de sa surprise, le maître du tatami bredouilla quelques paroles nous invitant à nous rhabiller, et à rentrer chez-nous dans les plus brefs délais.

La consternation se lisait maintenant sur les visages. Chacun de nous se leva. Un silence profond avait envahi les lieux. Petit à petit les langues se délièrent. On voulait en savoir plus. Jules apaisa les esprits et nous invita au bar du cercle C.F.L. (Madame et Monsieur Créviaux en avaient eu la gérance au décès inopiné de monsieur Verpillot). C’est autour d’une table que notre groupe, maintenant rassemblé à l’intérieur, reçut brutalement l’information : « c’est la bagarre à Kongolo ». La mutinerie de la Force Publique au camp de Kongolo ne laissait rien présager de bon. La direction du C.F.L. en avait été avertie par un agent de la Compagnie, Monsieur Ricci. « Les Européens se sont regroupés à l’Hôtel du Lualaba (ENKAT) et vont probablement remonter le fleuve jusque Kabalo. On n’en sait pas plus pour l’instant ». Néanmoins, cette nouvelle, qui tombait comme un couperet et interrompait notre entraînement, n’avait pas encore éveillé chez certains toute l’ampleur et la gravité qu’elle représentait.

Ce dernier verre entre copains se déroula dans l’hilarité la plus totale, comme pour évacuer la réalité qui frappait au seuil de notre cité lacustre. Tous ces fous rires qui éclataient à la moindre stupidité évacuaient inconsciemment l’anxiété qui nous tenaillait. Albertville est calme certes, aucun signe, aucune manifestation extérieure ne laissait deviner aux passants de l’avenue Storms le drame qui se préparait. Les employés autochtones du Cercle, comme à leur naturel, étaient serviables, loin de présenter des signes d’exaspération ou de révolte. Cependant, des dispositifs se mettaient en place afin de parer aux risques éventuels. La Compagnie des Grands Lacs mise en alerte, cela laissait sous-entendre que le « Corps des Volontaires » qui, à force de réunions dirigées par le commandant Carette, allait maintenant concrétiser sur le terrain les plans de protection minutieusement mis au point pendant de longs mois. Depuis longtemps aussi, je savais que mon père s’était porté volontaire. Je me souvenais d’ailleurs que les premières réunions d’informations s’étaient déroulées dans les locaux de l’Ecole de la Marine qu’il dirigeait. Les rôles de chacun avaient été distribués, les officiers et sous-officiers de réserve, dont Monsieur Howaert, prenant en charge les groupes qui s’étaient constitués. Pour le reste, le top secret avait été de rigueur et bien gardé.

Mais pour l’heure, le moment était venu de rejoindre nos domiciles respectifs. Monsieur Doors proposa de me reconduire en voiture. Nous étions jeunes, c’est la raison pour laquelle les adultes organisèrent des navettes afin d’assurer notre retour au foyer. On se sépara, sans se douter à cet instant que c’était le dernier rendez-vous au club. J’embarquai dans la « Buick ». Elle démarra sur les chapeaux de roue et s’élança tous phares allumés à vive allure sur cette splendide avenue Storms bordée de cocotiers. Je débarquai à proximité de la boulangerie située au « Quartier Mission » bordurant l’avenue, presque en face du temple Hindou. Je traversai le quartier, sous le couvert des eucalyptus, logeant la parcelle grillagée et le bâtiment de l’école maternelle. Un tas de feuilles mortes achevaient de se consumer. Du nuage de fumée se dégageaient les effluves caractéristiques d’eucalyptus brûlé. Ces parfums sauvages, typiques au quartier, me chatouillaient les narines et m’enveloppe encore maintenant de cette atmosphère africaine du lieu. Apparemment l’alerte n’avait pas encore atteint les maisons. En passant devant l’habitation des Misson tout allumée, rien ne laissait deviner une agitation quelconque.

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